PELERINAGE LE PUY EN VELAY / ROME

Carnet de route

1er jour

Jeudi 15 Août 2002


Il est sept heures et je me retrouve comme deux années plus tôt dans cette Cathédrale austère de NOTRE DAME du PUY, pour assister à la messe des pèlerins.


La messe des pèlerins est ici une institution, car tous les jours des gens prennent la direction de St JACQUES COMPOSTELLE, et cette messe ainsi que la bénédiction qui y fait suite sont le véritable début d’une grande aventure.


Pour moi, cette fois ci la direction ne sera pas à l’ouest, mais vers l’est puisque c’est vers ROME que cette longue marche qui commence ce matin va me conduire. Sur la trentaine de pèlerins qui vont partir je suis le seul à avoir choisi ROME, mais étant déjà un Jacquet (pèlerin ayant accompli le pèlerinage à St Jacques de Compostelle) je souhaite devenir un Romieu ( pèlerin ayant accompli le pèlerinage à Rome)


Après la bénédiction nous nous retrouvons tous à la sacristie pour faire tamponner notre crédential, qui est un peu notre feuille de route, et qui servira à justifier au fil des étapes de notre statut de pèlerins. Cette formalité remplie nous nous retrouvons sur le parvis de la Cathédrale, véritable porte ouverte sur le monde avec loin très loin ce but qu’il vaut mieux ignorer pour l’instant, tant il paraît inaccessible (1400 ou 1600 kms à pied )


Une photo souvenir avec la famille qui m’a fort bien reçu hier soir, il est temps de prendre la route et de devenir ce marcheur solitaire, face à lui même, et seul maître de son destin.


Cette première journée doit me permettre de rejoindre Yssengeaux, soit une distance de trente kms, la chaleur est très forte plus de 30° mais la vie est belle, les paysages sont magnifiques, la journée se passe bien et l’arrivée à l’étape se fait sans difficulté.



2ème jour

Vendredi 16 Août 2002

Yssengeaux / St Meyrat 37 kms


Après mettre préparé un solide petit déjeuner, à sept heures trente je prend la route pour une étape longue, puisque c’est environ trente sept kms que j’ai prévu de parcourir, ceci afin de trouver un gîte.


En traversant le village de Montfaucon, je visite une chapelle qui abrite des tableaux d’un peintre flamand, tableaux du XV ou XVI siècles d’une très grande beauté, et surtout d’une grande finesse de réalisation.


J’ arrive à Rieutord dernier village avant le gîte à treize heures et les magasins étant fermés, je dois attendre plus d’une heure avant de pouvoir me restaurer, car je n’avais pas de provisions pour mon déjeuner. Je fais mes courses pour les repas suivants, là aussi il ne faut compter que sur soi même, et cela demande un peu d’organisation pour anticiper sur les besoins à venir.

Le gîte ou je suis logé ce soir est une ancienne chapelle désaffectée, qu’une association a transformé en installant sanitaire cuisine et dortoir, le tout plutôt sommaire, un peu froid, mais confortable à condition de pouvoir choisir son lit.


La soirée m’a été longue car je suis seul, pas de radio, pas de lecture, et pas encore habitué à cette solitude.



3ème jour

Samedi 17 août 2002

St Meyrat / St Clair 29Kms


L’objectif du jour est de rejoindre St Clair , village situé à environ dix kms d’Annonay et pour ce faire j’ai décidé de prendre les petits chemins à travers la forêt.


Le temps est splendide alors que je prend le départ, le parcourt ombragé est très agréable, si bien que j’en oubli un peu la rigueur qui convient dans ce genre de marche, la sanction arrive très vite lorsque je découvre que je suis au village des Sétoux c’est à dire à quatre kms du lieu ou je devrais me trouver, heureusement les habitants me renseignent fort gentiment sur le moyen de retrouver au plus tôt mon chemin.


Après avoir retrouver ma piste les difficultés ont continué, car je pensais retrouver de petites routes, mais avec panneaux indicateurs, alors que je ne trouve que piste en terre, dans un paysage désolé et sans grands points de repère. Seul moyen d’avancer sans trop de risques, la carte et la boussole, mais cela nuit à l ‘ efficacité de la marche, ce qui explique que le village de Burdines ne sera atteint qu’avec un certain retard.


L’accueil des habitants est très chaleureux, car demain c’est la grande fête au village, et déjà tout le monde est dans l’ambiance, je me restaure donc du traditionnel morceau de pain et du saucisson sec qui l’accompagne, les habitants m’ayant offert une bière je suis en forme pour attaquer la deuxième partie du parcourt, qui d’ailleurs s’annonce aussi ardue que la précédente.


L’ après midi se déroule sous un soleil de plomb, toujours en zone semi montagneuse et sans indication de route, je arrive enfin en vue de Boulieu les Annonay, lieu qui marque la fin de mes difficultés car si le gîte se trouve encore à deux kms, à partir de ce village la direction de St Clair est fort bien indiquée.


Découvrir mon étape est pour moi un soulagement, il est seize heures trente, et j’ai commencé cette marche à sept heures trente, la chaleur ayant été très forte c’est quatre litres d’eau que j’ai absorbé, c’est donc avec grand plaisir que je pose le sac, et que je prend une bonne douche. Le local est très agréable il s’agit d’une chambre d’hôte attenant à un restaurant, le problème du repas se trouve ainsi résolu.


Ce soir de la terrasse, j’ai aperçu dans le lointain et pour la première fois la chaîne des Alpes, dans quelques jours maintenant ce sera un autre défi il faudra les franchir, mais je profite de l’instant présent , ( demain est un autre jour )


4ème jour

Dimanche 18 Août 200

St Clair / Hauterive 35 kms

Ce matin départ à sept heures car l’étape est longue, je quitte le Massif Central pour être ce soir dans la Drome. La journée s’annonce rude car en sus des kms il va falloir me compter avec la chaleur, la météo annonce pas moins de 35° à l’ombre.


La descente vers la vallée du Rhône se fait à bonne allure la température étant encore clémente et la route facile, je franchi donc le Rhone à Andance et découvre devant moi une vaste vallée qui permet une marche aisée, la nationale 7 est traversée ainsi que quelques kms plus loin l’autoroute du soleil.


Vers midi la chaleur se faisant de plus en plus forte, et le terrain devenant à nouveau plus accidenté, la marche commence à ralentir sérieusement, je passe sous la ligne TGV Paris Marseille et décide de faire une halte dans le prochain village, afin de me restaurer (avec les provisions habituelles) et de faire une sieste.


Le village de Montaille me permet de renouveler ma provision d’eau , car à l’entrée du cimetière se trouve un point d’eau ou je peu étancher ma soif et remplir à nouveau ma réserve, le parvis de l’église m’offre un banc ombragé ou je m’installe pour le repas ,et je m’endort profondément.


Ce n’est donc que deux heures plus tard que je reprend la route pour enfin atteindre Hauterives, et trouver le gîte ou je vais pouvoir prendre une bonne douche et me reposer, car cette étape en raison de la très forte chaleur a été dure, j’ai d’ailleurs consommé cinq litres d’eau dans la journée de marche. Mes hôtes m’informe que Hauterives est la patrie du facteur Cheval, je décide donc d’aller visiter ses palais hélas je suis trop tard, ce sera pour une autre fois peut être.


La soirée se passe très agréablement, je dîne en compagnie des personnes qui m’hébergent, ainsi que de deux autres occupantes du gîte, cela permet un échange entre nous, et rompt la monotonie des soirées solitaires.



5ème jour

Lundi 19 Août 2002

Hauterives / St Etienne de St Geoirs 35 kms


La chaleur s’annonce aussi forte que la veille, je décide de partir très tôt car c’est encore une étape de trente cinq kms qui m’attend, les routes sont relativement faciles, mais le terrain accidenté ne ménage pas l’organisme.


Les heures passent lentement, et le soleil devient de plus en plus chaud au fil des heures, lorsque j’arrive enfin à Viriville je décide de renouveler l’opération de la veille, c’est à dire la sieste après m’être restauré.


Je reprend la route en direction de St Etienne de St Geoirs que j’atteint à dix huit heures, là je découvre que le gîte retenu se trouve encore à trois kms, et surtout qu’il faut monter de manière importante avant de pouvoir trouver le repos, je fais mes courses au village et j’entreprend cette dernière montée.


L’accueil est très sympa, le cadre agréable,(il s’agit d’un château) et la chambre est confortable, tout pour oublier une longue journée de marche, seule ombre au tableau la restauration n’est pas assurée, et je me sens incapable de retourner au village pour le dîner, je me contente donc d’une boite de conserve et d’un reste de pain, pour ce soir c’est très bien je souhaite surtout me reposer.



6ème jour

Mardi20 Août 2002

St Etienne de St Geoirs / la Murette 22kms

Ce matin après un copieux petit déjeuner servi par mes hôtes qui ont pris soin d’écouter la météo pour m’informer du temps, je prend le départ pour une journée de transition vingt deux kms avant de commencer à attaquer le massif de la Chartreuse.


La marche commence sous un soleil voilé, les orages sont annoncés pour la fin de la journée, avec cette température plus clémente la marche est beaucoup plus agréable et beaucoup moins fatiguante.


La traversée de Rives me permet de flâner un peu, c’est d’ailleurs très agréable d’avoir une journée facile de temps en temps, cela permet de diminuer cette pression qu’il faut mettre habituellement afin de terminer à une heure raisonnable, alors qu’aujourd’hui j’ai tout mon temps et j’en profite largement.


Ce soir le gîte est un gîte à la ferme qui fait aussi camping, il y a d’ailleurs encore une vingtaine de personnes sur le camping ce qui met de l’animation, mais comme à l’accoutumée je suis le seul occupant du gîte, prévu pour accueillir vingt personnes, je dispose d’une cuisine bien aménagée, et je décide de me préparer un repas copieux, cela me changera d’hier soir.


Je sort pour faire mes courses au village, mais celui-ci n’est pas très important et la seule viande que je trouve à acheter ce sont des saucisses, le menu sera donc saucisses purée, et pour le dessert la barquette de compote fera l’affaire, je terminerai le reste au petit déjeuner.


Le mauvais temps prévu dans la soirée a de l’avance car c’est à seize heures que nous subissons un très fort orage heureusement je suis à l’abri, les campeurs viennent se réfugier dans la salle du gîte, pour nos hôtes qui eux, sont à récupérer le foin la situation est certainement moins intéressante.



7ème jour

Mercredi 21 Août 2002

La Murette / la Ruchère 37 kms


Départ très matinal car l’étape promet d’être longue, avec une dernière partie qui va me faire passer de 400 m d’altitude à 1200 m ce qui en fin de parcourt n’est pas une sinécure.


Je suis dans le parc régional de la Chartreuse, et la marche rendue plus ardue en raison des changements de niveau, reste très agréable car les paysages sont magnifiques, et le temps plus clément ce qui facilite la marche.


A partir du village de St Christophe sur Guiers l’ascension vers le gîte de la Ruchère commence, la route s’élève rapidement dans une gorge appelée Pas du FROU l’environnement est très sauvage, la route peu fréquentée avec des surplombs impressionnants.


Après avoir beaucoup transpiré dans cette ascension, j’entend une cloche qui indique la proximité d’un village et un peu plus tard la Ruchère apparaît à l’issue d’un dernier virage, mais comme souvent il faudra encore marcher car le gîte est à l’extérieur, j’ai la chance d’être interpellé par un villageois qui est lui même randonneur, nous échangeons nos impressions, ce répit m’ayant permis de récupérer je termine l’ascension.


Le gîte est très bien, il s’agit d’une construction récente faite par la commune pour servir à la promotion du ski de fond, et dotée d’un restaurant tenu par une jeune femme. Le dîner pris en compagnie de notre hôtesse et de sa famille, ainsi que deux autres randonneuses est très agréable et la tartiflette que nous dégustons me permet de récupérer des efforts de la journée.



8ème jour

Jeudi 22 Août 2002

La Ruchère / Appremont 32Kms


Départ à l’aube pour un parcourt intéressant, car des la sortie du gîte je peu emprunter un sentier à travers la forêt qui me conduit a la passe de Dynai, à travers des paysages grandioses sur une sente qui épouse au plus près les falaises si caractéristiques de la Chartreuse pour enfin atteindre la passe qui me permet de changer de versant et de découvrir dans la vallée le village de St Pierre d’ Entremont qui se trouve à l’altitude de 600m soit une descente de plus de 600m de dénivelé.


Arrivé à St Pierre d’Entremont j’en profite pour faire quelques course, et pour échanger quelques mots avec un couple du pays qui a entrepris de faire le pèlerinage de St Jacques de Compostelle en y consacrant quinze jours par an, et je reprend la route direction le col du Granier qui lui culmine à 1134 m, soit une ascension de plus de 500 m de dénivelé.


Arrivé au sommet je profite des tables de pic nique qui sont installées là pour déjeuner, menu habituel saucisson sec et pain dont j’ai fait provision à St Pierre, puis la descente commence en direction d’Appremont avec un dénivelé de 800 m avant d’atteindre la vallée, l’étape se termine dans un paysage de vignes, et après mon installation à l’hôtel car ce soir je n’ai pas trouvé de gîte, je déguste un verre de ce fameux vin dont je trouve d’ailleurs la réputation surfaite.


Ce soir le dîner est vite expédié, le restaurant de l’hôtel étant fermé et n’ayant rien trouver pour me restaurer, je consomme à nouveau une de ces conserves dont j’ai toujours au moins une boite dans mon sac.




9ème jour

Vendredi 23 Août 2002

Appremont / St Pierre d’Albigny 24 Kms


Ce matin au petit déjeuner la jeune hôtesse me raconte l’histoire vrai du col du Granier, histoire que j’ignorais totalement, puis quelques kms plus loin à Myans en visitant l’église je découvre une fresque qui confirme les dires de mon hôtesse, à savoir : en 1284 la partie centrale de la chaîne du Granier s’effondre, laissant d’un coté le point culminant appelé le mont Granier, et de l’autre le reste de la chaîne, la partie effondrée donnant naissance à ce col que j’ai franchi hier. Il est facile d’imaginer la peur ressentie par les habitants de cette région au moment du cataclysme, c’est cette histoire que raconte la fresque de l’église de Myans, montrant la main du diable d’un coté, et les moines de l’abbaye de Myans en prière croyant à la fin du monde et invoquant la Vierge Noire qu’ils vénéraient de l’autre, et les éboulis rocheux s’arrêtant avant d’atteindre l’église. Il existe aujourd’hui encore un centre religieux très actif dans cette paroisse.


Les lieux dits de la région témoignes aussi de ce cataclysme à travers leurs appellations : on trouvent ( les abîmes de Myans, la pierre hachée, la pierre grosse, les marches, etc.) les habitants disent que le Granier continue à bouger, car il y a souvent des éboulis cette montagne restant friable.


La journée se passe sans incidents, à partir de Montmélian je suis la vallée de l’Isère l’altitude étant faible je retrouve la chaleur, cet après midi particulièrement car le temps devient orageux. Ce soir je suis logé dans un hôtel car je n'ai rien trouver d’autre, et dans la soirée l’orage annoncé est enfin arrivé, très fort et très spectaculaire.

Ce soir encore l’hôtel ne faisant pas restaurant, je me satisfait d’une boite de conserve.

10ème jour

Samedi 24 Août 2002

St Pierre D’Albigny / Albertville 27 Kms


Départ sept heures trente sous un temps couvert après l’orage d’hier soir, la route est agréable facile et sans grand dénivelé. Je suis pour cette journée encore entre le massif de la Chartreuse et la chaîne des Alpes, j’en profite pleinement car demain il y a plusieurs cols au programme, et les difficultés seront tout autres.


Je fais une halte dans le village de St Vital, car Vital étant mon prénom, c’est avec plaisir que je découvre l’endroit, je monte d’ailleurs sur la colline pour aller jusqu’à l’église, mais celle-ci étant fermée je me contente d’une prière à mon saint patron depuis le parvis, puis je reprend ma route en direction d’Albertville.


A mon arrivée j’ai le plaisir de découvrir que la chambre d’hôte ou je vais passer la nuit, est tenue par des personnes originaires de l’Anjou qui est aussi ma région d’origine, et c’est tout naturellement que nous nous mettons à échanger, je dois reconnaître que je passe en leur compagnie un agréable moment, ceux-ci étant de surcroît des passionnés de la randonnée pédestre.


Ce soir je profite d’être dans une ville plus importante pour m’offrir un repas complet, cela me change des boites de conserve et surtout me permet de récupérer de l’énergie car demain l’étape sera rude.


11ème jour

Dimanche 25 Août 2002

Albertville / les Saisies 37 kms


Ce matin je décide de prendre la route jusqu’à Ugine, et à partir ce cet endroit d’attaquer le Beaufortin pour dans un premier temps rejoindre le col de la Forclaz à une altitude de 871 mètres, puis le col de la Lézette altitude 1800 mètres, en contournant le signal de Bisanne qui culmine à 1941 mètres, passé ce col le chemin redescend pour mieux remonter en direction des Saisies.


Cette journée entièrement montagne est dure, car mon sac à dos est plus le sac d’un randonneur que celui d’un montagnard, c’est 18 kg qu’il faut porter dans ces sentiers plutôt difficiles, les paysages sont magnifiques et cela permet d’oublier un peu la fatigue et la rudesse de l’effort. Il faut cependant rester très vigilant car les sentiers de randonnée sont parfois un peu difficile à trouver, tant le marquage a vite fait de s’effacer dans ces régions, en raison du climat, mais aussi parce que ces forêts étant exploitées il faut un travail permanent pour maintenir un marquage sérieux.


En arrivant aux Saisies je me renseigne pour trouver mon gîte, et je découvre avec un certain découragement qu’il me faut redescendre environ trois kms en direction de Hauteluce avant de trouver le repos tant souhaité. Tout arrive, et j’aperçois enfin le chalet ou je vais passer la nuit, la personne qui m’accueille m’annonce que je suis seul ce soir, et elle me demande de bien vouloir me préparer mon repas car cela lui permettra de rentrer plus tôt chez elle, j’accepte bien évidemment, et je passe donc une soirée décontractée, dans un cadre agréable avec une vue très belle sur la chaîne du Mont Blanc, je me couche des vingt et une heures car j’ai besoin de laisser récupérer les muscles endoloris avant la journée de demain.


12ème jour

Lundi 26 Aout 2002

Les Saisies / Le Pontet 30kms

Aujourd’hui étape de montagne le chalet se situant déjà à 1487 m d’altitude, et pour commencer il faut retourner aux Saisies car le sentier de randonnée part du col des Saisies pour rejoindre le col de Véry, cette première partie se fait facilement car le sentier est très bon, mais passé le col et jusqu’au col du Joly la situation est très différente, la pluie s’est mise à tomber, j’ai réussi à m’abriter dans une bergerie le temps de m’équiper pour la pluie, et je reprend le chemin, dans une zone d’alpage ou le sentier sert aussi aux bovins qui à cette saison vivent dans la montagne, et là pour la première fois depuis le départ je me demande si je vais pouvoir rejoindre le gîte, tant la fatigue de cette marche dans la boue m’épuise.


Je suis à flan de montagne, la pluie a cessé, mais ce sentier détrempé et boueux n’en fini pas de monter, je vois le col du Joly ou je dois passer, mais pour l’atteindre il me faut continuer à grimper au dessus de l’altitude du col, afin de trouver le passage qui me permet de gagner le versant opposé et l’accès au col, et comme souvent, c’est au moment ou je reprend courage et sans doute relâche un peu mon attention, que je glisse et que mon pied droit s’enfonce dans cette boue nauséabonde de telle sorte que la boue entre part le haut de la chaussure, inutile de préciser ma colère pour un incident somme toute banal mais qui se situe à plusieurs heures de l’arrivée.


Le col du Jolly atteint je prend le temps de réparer au mieux mon problème de chaussure, ayant trouvé une source je lave chaussure et chaussette et je remet le tout afin de terminer l’étape.


Cette dernière partie plus facile au niveau terrain représente cependant une forte déclivité, puisque je passe de 1980 m au col à 1175 m à l’arrivée au Pontet, ce qui explique l’état de fatigue lorsque j’arrive au lieu dit Notre Dame de la Gorge, ou se dresse une très jolie chapelle, qui semble être un lieu touristique réputé, je fais une prière pour remercier Notre Dame, je continu dans cette vallée pour arriver enfin au gîte prévu. Celui-ci est attenant à un camping, très agréable nous sommes trois personnes pour vingt places, cela me permet de faire sécher mon équipement un peu malmené au cours de cette journée, et comme près du camping se trouve un restaurant qui fait un menu randonneur le moral revient très vite et à vingt heures je suis déjà couché.





13ème jour

Mercredi 28 Août 2002

Le Pontet / Chamonix 37 kms


En raison du mauvais temps, et étant donné le manque d’intérêt à cheminer en montagne sans visibilité, je décide de rejoindre Chamonix par la route.


Je traverse un certain nombre d’agglomérations aux noms connus, Les Contamines Montjoie, St Gervais, le Fayet, les Houches, puis enfin Chamonix tout cela sous un ciel chargé, ce qui ne permet pas d’apprécier la vue des glaciers dont les sommets d’ailleurs disparaissent dans les nuages.


Ce trajet routier qui par beau temps serai certainement très agréable, n’est hélas aujourd’hui qu’une accumulation de kms qu’il faut bien réaliser, mais qui me laisse un certain sentiment de frustration, cette vallée de Chamonix j’en avais rêvé mais pas comme cela bien évidemment, enfin ne nous décourageons pas il y aura d’autres paysages à admirer avant d’atteindre Rome.


Arrivé au gîte, je partage ma chambre avec trois autres personnes, tout d ‘abord un bulgare très sympa, à la Légion Etrangère depuis trois ans ce qui fait que nous pouvons converser, il profite de ses vacances pour faire le Mont Blanc, et il m’annonce qu’il refait une tentative en solo le lendemain matin avec un départ à quatre heures. Les deux belges ne parlent pas le français ce qui limite nos échanges, eux sont des spécialistes de la glace et leur départ est prévu pour six heures, en résumé c’est donc moi le moins courageux car je ne partirai qu’à sept heures.


Avant de me préparer mon dîner, car ce soir le gîte est pourvu d’une cuisine , je me promène dans Chamonix et j’en profite pour refaire des provisions. La ville me laisse une impression mitigée, hôtels, restaurants, banques, boutiques cadeaux, tout pour le tourisme cela ne me convient sans doute pas, l’important étant que cela plaise au plus grand nombre.


Après dîner je rejoins la chambre et je découvre que le bulgare a décidé de dormir tout équipé, afin de ne pas déranger lors de son départ matinal, mais il demande à laisser la fenêtre grande ouverte, heureusement mon duvet est très chaud, et la nuit se passe bien.



14ème jour

Mercredi 28 Août 2002

Chamonix / Col de Balme 24kms


Pas de problème ce matin pour le réveil la fin de nuit ayant été bruyante avec ces départs successifs. Après un bon petit déjeuner servi par la gérante du gîte, je prend la route et traverse les villages des Praz de Chamonix, Argentière, Montroc et au lieu dit Le Tour, après avoir déjeuné de pain et de saucisson comme tout les jours, je m’offre une délicieuse pâtisserie savoyarde avant d’attaquer la dernière partie de l’étape qui va me conduire à la frontière Franco/Suisse.


Je quitte la route pour m’engager sur un sentier de randonnée, ce sentier étant celui qui permet de faire le tour du Mont Blanc, la pente est importante puisque je passe d’une altitude de 1400 m à 2200 m et cela en deux heures trente, sous le soleil par une température idéale en raison de l’altitude, mais avec un vent un peu frais.


Au cours de cette ascension j’ai tout loisir de contempler les glaciers, surtout celui d’Argentière, par contre le sommet du Mont Blanc reste caché par les nuages, j’aurai donc passé trois jours dans ces vallées sans apercevoir à aucun moment le sommet du toit de l’Europe.


L’arrivée au chalet me permet d’avoir une superbe vue sur les montagnes suisses, mais la température fraichie, je fais quelques photos car se sont mes derniers mètres en France puis je rejoins le gîte.


Le chalet du Col de Balme, est une construction en dur avec un étage le tout datant d’environ deux cent ans, tenu par un couple sans âge,(cinquante, soixante ans, peut être plus) lui suisse, elle française, dans des conditions de confort et d’hygiène d’un autre âge, les W-C sont fermés à clé pour éviter que des personnes ne consommant pas au chalet puissent en bénéficier, ici même l’eau n’est pas potable, et il faut payer des suppléments pour tout, la douche coûte trois euros, le litre et demi d’eau cinq euros, il faut ajouter à ce descriptif le caractère de la maîtresse de maison qui mène tout son monde à la baguette, c’est un personnage très connu dans tous les gîtes de la région.


Le dîner est vite expédié, et je me retrouve dans un dortoir ou nous sommes dix personnes, les neufs autres occupants sont des espagnols qui font le tour du Mont Blanc, la aussi le confort est spartiate, mais je suis à l’abri.

15ème jour

Jeudi 29 Août 2002

Col de Balme / Martigny ( suisse)


Après un réveil difficile en raison de l’atmosphère qui règne dans le dortoir, je sort très vite respirer l’air pur, et malgré le froid (le thermomètre doit avoisiner les 0 degré) cela me fait un bien immense j’ai l’impression de revivre.


Petit déjeuner vite avalé, pain rassi et café très très léger, à sept heures trente je prend le sentier, la brume est épaisse, la température froide, ce qui m’oblige à beaucoup de prudence pendant la première heure de marche, il ne faut pas se perdre et avec la brume les marques sont difficiles à trouver et le sentier très rocailleux demande toute ma concentration pour ne pas chuter.


Le brouillard se dissipant le soleil est enfin apparu, et la température s’est rapidement améliorée, j’ai donc profiter d’un endroit propice avec le passage d’un torrent pour entreprendre enfin ma toilette, car au gîte avec un lavabo pour quinze personnes j’avais préféré reporter cela, sachant que la montagne m’offrirai certainement tout ce dont j’aurai besoin.


La marche se déroule sur un sentier qui serpente à flanc de montagne, cela est intéressant car j’évite de perdre de l’altitude qu’il me faudrait reprendre pour passer le col de la Forclaz, l’inconvénient c’est que ce chemin est plus long, mais il me permet de passer très près du glacier du Trient ce qui ne manque pas d’intérêt.


Sous le glacier je rencontre l’inévitable torrent qui s’en écoule, et c’est là que les choses se compliquent un peu, car ce torrent possède deux bras le premier étant facilement franchi sur un pont, mais hélas le deuxième bras ne possède pas encore de pont, je décide de descendre un peu pour trouver un endroit favorable, après quelques essais infructueux pour traverser en sautant de rocher en rocher, il arrive ce qui devait arriver je remplie d’eau l’une de mes chaussures, je décide à ce moment là de mettre les deux pieds dans l’eau pour traverser plus en sécurité, je suis néanmoins surpris par la violence du courant et dois faire de gros efforts pour ne pas me laisser déséquilibrer, l’un de mes genoux heurte violemment un rocher mais j’arrive enfin sur l’autre rive et retrouve rapidement le sentier.


Passé le col de la Forclaz j’entreprend une descente de plus de mille mètres de dénivelé pour rejoindre Martigny, ou je dois retrouver une amie (Hélène) qui m’offre le gîte et le couvert pour cette nuit à son domicile de Vevey ; il faut préciser qu’Hélène est une rencontre que j’ai faite en l’an 2000 sur le chemin de St Jacques de Compostelle, nous nous retrouvons avec un grand plaisir car nous avons beaucoup de souvenirs communs. La soirée est fort agréable dans un cadre magnifique au bords du lac Léman, et mon Hôtesse me fait déguster un dîner qui me change complètement des menus habituels, et je peux ainsi mesurer toute la différence entre deux soirées à vingt quatre heures d’intervalle j’en oubli presque les conditions de vie du Col de Balme.


Avant de monter me coucher nous discutons de la journée de demain, et Hélène me propose de me conduire non pas à Martigny comme prévu, mais à Sembrancher c’est à dire huit kms après Martigny en direction du col du Grand St Bernard car elle va randonner avec des amis dans ce secteur, et cela me permettrai d’atteindre le col dans une seule journée, ce qui est un de mes rêves les plus fous, nous décidons que la nuit portant conseil je prendrai la décision demain.


16ème jour

Vendredi 30 Août 2002

Sembrancher / col du Grand St Bernard 34 kms


Départ ce matin en voiture de Vevey en compagnie d’Hélène et de sa fille Francine pour rejoindre le groupe de randonneurs avec lequel elle vont partir pour une journée en montagne.


Pour la première fois aujourd’hui je suis sur l’ancienne route de pèlerinage appelée VIA FRANCIGENA qui relie Canterbury en Angleterre à Rome, cette Via est la plus ancienne d’Europe avant même Compostelle, puisque datant de l’an 990 va être à partir de maintenant le fil qui doit me conduire vers la ville éternelle

.

Arrivé à Sambrancher, je quitte ce groupe au demeurant fort sympathique, pour retrouver mon chemin et la solitude du pèlerin, tout en ayant apprécié cet entracte de quelques heures.


A partir de ce moment commence une lente ascension qui va durer plus de huit heures, me faisant passer de 400m d’altitude à 2469m au niveau du col, soit un dénivelé de 2000m sur une distance de trente quatre kms. Je souhaitai cette longue montée sans doute pour me convaincre, et peut être me rassurer sur mes capacités personnelles. La première partie est facile la route monte régulièrement et je suis en forme, le village d’Orsière me permet de faire des provisions pour aujourd’hui et demain, car je crains de ne pas trouver d’alimentation lors de ma descente vers Aoste.


En arrivant au village de Liddes mon attention est attirée par une chapelle en rénovation, je m’arrête quelques instant pour la contempler, lorsque un groupe de personnes situé à l’extérieur m’appelle, il s’agit des ouvriers travaillant à la restauration qui m’invitent à partager le verre de l’amitié ce que j’accepte volontiers. Parmi eux un religieux qui appartient à l’ordre des moines qui sont à l’hospice du Grand St Bernard. Je profite de cette rencontre pour lui faire part de mon inquiétude concernant mon hébergement du soir, car lorsque j’ai appelé l’hospice pour demander l’hospitalité il m’a été répondu qu’en raison de travaux importants l’accueil était momentanément suspendu, l’ensemble des sanitaires étant en réfection. Le religieux me rassure en me disant qu’il me suffira de me recommander du Père Noël (car tel est son nom) pour que les moines de l’hospice trouvent une solution, l’accueil des pèlerins étant la vocation première de ces religieux.


Je reprend ma route rassuré, monte jusqu'à Bourg St Pierre, je prend une photo de ce dernier village suisse et continu d’avancer vers le col, la route devient moins intéressante car taillée dans le rocher elle est sécurisée au maximum ce qui fait que j’avance sous une voûte avec seulement un coté ouvert, cela est sombre, gris, avec une circulation importante donc bruyante, je n’y trouve aucun plaisir mais cela reste ainsi jusqu’à l’entrée du tunnel, que je ne prend pas puisqu’il a pour but d’éviter le col.


Je retrouve à partir de ce moment le calme de la montagne sur une petite route peu fréquentée, mais avec un pourcentage de pente très fort qui commence à m’épuiser un peu.

N’ayant plus d’eau je m’approvisionne dans les ruisselets qui coulent des rochers, et je continue cette montée qui commence à me paraître interminable, je pense aux soldats de Bonaparte qui 202 ans plus tôt franchissaient le même col, comme le rappelle les panneaux placés sur les cotés de la route, mais dans des conditions beaucoup plus sévères, et cela me donne le courage de continuer.


Cette route qui n’en finie pas s’élève toujours, je n’ai plus la notion précise de la distance qu’il me reste à parcourir, et je puise déjà depuis un certain temps dans mes réserves physiques, je décide donc de me restaurer, mais dans l’état de fatigue ou je suis , je ne peut absorber que du liquide, heureusement j’ai dans mon sac du miel, j’en avale donc un tube entier suivi d’une bonne rasade d’eau et je termine mon ascension pour apercevoir enfin la croix annonçant l’arrivée au col.


Terminant avec un plaisir retrouvé les derniers mètres, j’arrive à l’hospice j’enlève mon sac et je m’assois à même le sol afin de récupérer, et aussi d’apprécier ces quelques minutes qui suivent un effort aussi intense, il faut savoir les savourer car c’est là un plaisir rare et combien difficile à obtenir.


Ayant repris quelques forces je m’adresse à l’accueil, ou une religieuse répondant au nom de Jacqueline m’offre tout d’abord un grand thé bien chaud, puis lorsque je me recommande du Père Noël me rassure en me disant que dans la mesure ou j’accepte de ne pas prendre de douche on peut m’héberger, elle me conduit aussitôt dans une chambre dont je suis le seul occupant, et là j’apprécie enfin cette sécurité derrière ces murs épais, à l’abri du froid comme beaucoup de pèlerins avant moi.


Après une toilette et des vêtements secs, je décide assister à la messe qui est célébrée dans la crypte, c’est là un moment d’émotion intense. Cette crypte est vraiment le cœur du monastère, tout naturellement je me laisse gagner par cette sérénité que l’on trouve lorsque après un effort difficile, la sécurité enfin retrouvée, le corps et l’esprit peuvent se relâcher, pour atteindre ce sentiment que rien n’est plus précieux que le présent.


Je partage le dîner avec un groupe de jeunes américains étudiants en archéologie, plusieurs parlant français j’ai donc la possibilité d’échanger avec eux, puis je regagne rapidement ma chambre car la fatigue est grande.



17ème jour

Samedi 31 Août 2002

Le Grand St Bernard / Aoste 36 kms


Le petit déjeuner pris avec les bénévoles qui assurent par leur présence une partie des travaux pratiques de l’hospice, je prend la route à huit heures trente pour rejoindre dans la vallée la ville d’Aoste.


Le poste frontière Suisse / Italie est franchie des le début de la descente, celle-ci s’annonce longue et forte puisque Aoste est à une altitude de 600m environ, l’étape d’aujourd’hui est un peu la répétition de celle d’hier mais avec la pente inversée. Ma première journée sur le sol italien commence dans des paysages de montagnes toujours aussi grandioses, avec ce calme et ce silence que j’apprécie avant de retrouver un peu plus bas les bruits de la civilisation. Le premier village rencontré est St Oyen où j’ai pour la première fois le plaisir de voir une figurine du pèlerin de la Via Francigéna qui orne les lampadaires du lieu, preuve si il en était besoin que je suis sur le bon chemin. La descente continue longue, monotone malgré la beauté des lieux, et la fatigue accumulée hier se fait sentir à nouveau.


Enfin l’entrée dans Aoste, et là commence la difficulté pour trouver une adresse dans une ville d’importance moyenne, lorsque l’on ne connaît pas du tout les lieux. Les personnes interrogées font de leur mieux pour me renseigner, mais il me faut néanmoins presque une heure pour découvrir l’organisation religieuse ou j’espère trouver l’hospitalité, hélas je trouve porte close. La fatigue aidant c’est le découragement qui me gagne, pour mon premier jour en Italie cela commence bien, je m’adresse dans le magasin qui jouxte l’endroit, et là très aimablement on me renseigne pour me confirmer que le lieu a été fermé après le jubilé de l’an 2000, et mes interlocuteurs me demandent comment je compte procéder, ayant trouvé dans la liste des lieux d’hébergement possible l’adresse d’un hôtel, on va me chercher un plan de la ville pour me montrer le chemin, et devant la difficulté à tout mémoriser on me fait cadeau du plan, devant tant de gentillesse je retrouve le moral et fini par arriver au lieu ou je vais enfin pouvoir me reposer.


Je passe une fin de journée allongé sur mon lit, à récupérer et à découvrir la télé italienne puisque ma chambre est équipée d’un poste, ne conprenant pas la langue je me désintéresse très vite des images proposées et prépare mes futures étapes car je me suis procuré une carte de la vallée d’Aoste au 1/100000 ce qui est déjà mieux que les documents que j’ai sur l’Italie , car il s’agit de cartes au 1/400000, ce n’est pas l’outil idéal pour un randonneur hélas je ne trouve pas comme en France de cartes au 1/25000.


Pour ce soir je me contente d’une boite de conserve, la dernière achetée en France, il va falloir penser à renouveler le stock, puis après une dernière séance télé pour voir la météo je décide de dormir.


18ème jour

Dimanche 1er Septembre 2002

Aoste / Chambave 27 kms


Ce matin l’hôtel n’ouvre qu’à huit heures, je règle ma chambre et je me met à la recherche d’un lieu pour prendre mon petit déjeuner, car il semble qu’en Italie le petit déjeuner ne fasse pas partie du service proposé, je trouve le buffet de la gare ou je commande un café longo comme recommandé dans tous les guides, et je me retrouve avec quelques centilitres de café au fond de ma tasse, je crois qu’il va falloir que je m’intéresse de près aux habitudes Italiennes en matière d’alimentation car cela me change du grand bol de café au lait que j’affectionne.


Je prend la route par un temps splendide il fait déjà chaud, et je continue cette descente de la vallée en suivant le cours de la rivière (Doire Baltée), ce qui rend la marche plus facile car le dénivelé peu important me permet une marche régulière reposante après les dernières étapes de montagne.


En début d’après midi je rencontre une vieille femme qui revient de son jardin avec des pèches dans un panier, je la salue et spontanément elle me propose quelques fruits que j’accepte, touché par ce geste complètement gratuit envers un étranger dont on ne sait rien, je la remercie et continu mon chemin non sans déguster immédiatement les fruits délicieux.


En arrivant au village de Chambave je m’adresse à la paroisse pour demander l’hospitalité, et le prêtre qui m’accueille fort bien me conduit à la salle paroissiale pour que je puisse m’y installer. Le confort est sommaire, puisqu’il ni a pas de lit, mais je déroule mon duvet sur le plancher cela fera l’affaire, l’important c’est d’être à l’abri de la pluie car celle-ci s’est mise à tomber.


Pour ce soir l’unique restaurant du pays étant fermé pour cause de congés, je vais devoir me préparer mon repas, je n’ai pas de pain mais je possède une boite de sardines et des pâtes achetées dans la matinée, comme le local possède un réchaud le menu du soir est sardines aux pâtes, le mélange à défaut d’être succulent est énergétique et pour moi c’est cela le plus important.


Je me couche tôt, ceci étant un bon moyen de combattre la solitude, et malgré la rudesse du plancher je m’endors rapidement.



19ème jour

Lundi 2 septembre 2002

Chambave / Pont St Martin 40 kms


Ce matin réveil aux aurores car je dois remettre la clé au Padre à sept heures, je me suis préparé un café, cela me permettra d’attendre le premier bar ouvert sur ma route. Départ sous une pluie fine mais continue qui ne facilite pas la marche, cependant après environ une heure j’arrive au village de Chatillon ou je trouve ce petit déjeuner appelé ici (prima collationne ) et lorsque je reprend la route la pluie a cessé.


La route est agréable, les paysages très beaux, les torrents coulent de la montagne et comme il pleut depuis quelques jours leur débit est impressionnant. En descendant vers la plaine les cultures apparaissent , surtout la vigne que l’on cultive ici à flan de montagne et en la travaillant comme les treilles, c est à dire en l’élevant en espalier sur une hauteur d’un mètre cinquante environ, je suis étonné que dans cette zone semi montagneuse à une altitude de 400 m environ cette culture soit aussi importante.


Le temps passe lentement et la fatigue se fait sentir, lorsque enfin apparaît Pont St Martin niché au pied de la montagne avec un magnifique pont à arche unique qui enjambe le torrent, je me met à la recherche de mon lieu de repos, ce soir j’espère trouver un gîte rural et pour y parvenir je demande mon chemin à plusieurs reprises, car il est situé en périphérie de la ville.


L’accueil de la fermière est très agréable, mais son gîte étant plein elle me propose de m’héberger en ville dans un petit appartement qui est aussi sa propriété, elle m’offre le café et nous devisons sur leurs conditions de travail, et sur ces vignes qui m’ont tant intrigué, et à mon tour je dois décrire les habitudes rurales de ma région. Sa fille étant arrivée elle me conduit au local proposé, je suis très bien logé avec un appartement prévu pour trois personnes pour moi seul, c’est le grand luxe par rapport à ce que j’ai déjà trouvé, je remercie mon hôtesse, et celle ci me demande de lui envoyer une carte postale des vignobles du muscadet lorsque je serai de retour chez moi.


Après la douche habituelle bienvenue après une si longue route, je sors dans la ville pour faire des provisions et aussi pour dîner, j’avise une trattoria et décide de tester la cuisine italienne ainsi que les habitudes qui si rattachent. L’accueil est agréable on me propose une carte écrite en italien, langue que je ne parle ni ne lis ce qui m’oblige à faire confiance au serveur, celui ci parlant quelques mots de français tout s’arrange et je déguste une grande assiette de pâtes à la sauce tomate, pour le premier jour je préfère rester prudent.



20ème jour

Mardi 3 septembre 2002

Pont St Martin / Ivréa 20 kms


Après une bonne nuit dans un lit spacieux, je suis tout naturellement en forme pour attaquer l’étape du jour, d’autant que celle-ci ne comporte que vingt kms, car demain je reprend le train pour la France, et bien évidemment il me faut trouver une ville étape desservie par le train.


A la sortie de Pont St Martin je remarque un monument en forme de globe représentant le parcourt de la Via Francigéna à travers l’ Europe, le tout étant réalisé comme un vitrail.


Je quitte rapidement le Val d’Aoste toujours dans la vallée du ( Doiré Baltée), pour entrer dans le Piémont. Le changement n’est pas très perceptible, un paysage encore montagneux, la culture de la vigne, seule différence notoire il y a de moins en moins de gens qui parlent le français, mais de cela j’étais prévenu, il va falloir s’adapter.


J’arrive relativement tôt à Ivréa, et je me met en quête de mon hébergement, le problème de la langue commence à se compliquer, mais tout s’arrange et après quelques hésitations je trouve enfin l’organisation religieuse (salesiano) ou je m’arrête pour la nuit. Il s’agit d’un superbe ensemble qui domine la ville, et qui est une auberge de jeunesse à la mode italienne, c’est à dire dépendant d’un ordre religieux.


L’accueil est très agréable, le logement confortable, et après une bonne toilette je profite de mon temps libre pour me promener en ville, et pour repérer la gare car demain il faudra être à l’heure pour le train.


Difficile d’abandonner même momentanément le pèlerinage, bien sur je suis content de retrouver ma famille, mes amis, mais bien que cet arrêt soit prévu depuis le départ, cela me laisse un goût d’inachevé.


Dans l’immédiat le pèlerinage n’est pas terminé, il n’y a pas cet aboutissement après l’effort, cette rencontre avec le but final : trouver enfin le motif de cette longue marche, et peut être rencontrer Dieu.


Heureusement une semaine agréable m’attend à la maison, je n’en aurai que plus de courage pour terminer cette aventure hors du commun, cette quête de l’absolu, qui oblige l’homme à se faire tout petit face au vaste monde.



21ème jour

Mercredi 11 Septembre 2002

Ivréa / Santhia 35 kms


Enfin la route retrouvée ! quel bonheur de pouvoir repartir, il y a bien sur la peine que l’on fait à ceux qu’on laissent, et qui ont l’impression que de nouveau on les abandonnent, je comprend qu’il soit difficile pour celui qui reste de voir l’autre repartir, il y a sans doute là un sentiment d’abandon, mais la facilité n’a jamais été l’apanage du pèlerin, et la joie de se retrouver à nouveau ne sera que plus grande.


Le départ se fait tranquillement, il faut réhabituer l’organisme à l’effort, et éliminer les toxines accumulées pendant cette semaine d’arrêt. Le temps est un peu gris mais il ne pleut pas ce qui est important, et progressivement je retrouve le plaisir de marcher. Je longe avant d’arriver à Viverone les abords d’une prison, je ne peut m’empêcher de penser à toutes ces personnes enfermées derrière ces hauts murs, alors que moi je suis libre, et tellement heureux de profiter de cette liberté pour aller et venir à ma guise. J’adresse une prière à Dieu pour tout ces gens, pour que l’enfermement leur paraissent moins dur à supporter.


En arrivant au bord du lac de Viverone je décide de déjeuner, et je trouve un banc dans le jardin public, ainsi qu’une fontaine pour m’approvisionner en eau. La vue est splendide et respire le calme et la douceur de vivre, je quitte les derniers contreforts montagneux , pour m’engager dans la plaine, je quitte aussi le Piémont pour m’engager dans la province de Biella.


Je suis enfin en vue de Santhia, la fin de parcourt m’a paru longue, je commence à être fatigué, et il me faut trouver la paroisse ou j’espère avoir un lit. Comme j’avance dans la ville avec mon carnet de la Via Francigéna à la main, une jeune femme m’interpelle, elle est Canadienne, elle aussi pèlerin, et elle a reconnu mon carnet, et se propose de me conduire au gîte. Je suis donc cette nouvelle amie, nous échangeons quelques mots, et je comprend qu’elle a déjà fait le chemin de Compostelle, ce qui établi immédiatement entre nous cette complicité des gens habitués à partager le peu qu’ils possèdent.


Arrivé au gîte je commence par m’installer, il s’agit d’une pièce attenante à une salle de spectacle, pourvue d’un canapé que Patricia (c’est son prénom) a déjà transformé en lit, quant à moi je m’installe sur des banquettes qui devaient servir autre fois de siège dans la salle à coté.


Après avoir fait ma toilette, nous partons Patricia et moi, voir le curé de la paroisse pour lui faire part de ma présence. Quelle n’est pas ma stupeur de m’entendre refuser l’hospitalité sous prétexte que le local est occupé par une dame, et qu’il ne serai pas convenable que nous partagions la même chambre.


Il a fallu toute la persuasion de ma nouvelle amie, expliquant que dans les gîtes sur le chemin de Compostelle tout le monde partage la même chambre, pour qu’enfin le prêtre accepte cette cohabitation


Après avoir assisté à la messe du soir tous les deux, nous voyons revenir le prêtre qui demande à Patricia de prendre ses affaires, afin de lui proposer une autre pièce pour dormir, j’ai vraiment ce soir là l’impression de ne pas avoir donner une image rassurante de moi même. Tout cela n’entame pas notre bonne humeur, et nous allons dîner tous les deux au restaurant, avant de nous séparer pour aller dormir chacun de notre coté ;



22ème jour

Jeudi 12 Septembre2002

Santhia / Vercelli 25 kms


Ce matin en entrant au bar, je retrouve Patricia déjà installée pour le petit déjeuner, nous échangeons quelques mots en français bien évidemment, puis chacun de nous prend la route. J’avais initialement prévu d’aller jusqu’à Palestro, mais j’ai un talon qui devient sensible, et je décide donc de faire une étape de transition, soit vingt cinq kms environ afin de ne pas compromettre la suite du pèlerinage.


J’entre aujourd’hui dans une région d’agriculture intensive, avec des canaux d’irrigation très nombreux et bien entretenus, et une production unique que je ne situe pas tout de suite, mais la curiosité aidant, je décide de cueillir un épi de cette curieuse plante, et je m’aperçois alors qu’il s’agit de riz. J’ignorais totalement qu’il y avait des rizières dans cette région de l’Italie.


Avec Patricia nous nous doublons et redoublons au hasard de nos poses, pour finalement nous retrouver tous les deux dans Vercelli, à la recherche de l’hébergement pour la nuit. La galère commence alors, les étudiants étant rentrés il n’y a pas de place pour nous dans les deux établissements indiqués par la Via Francigéna, en désespoir de cause nous nous adressons à une paroisse, le premier accueil est très froid, mais en définitive on nous acceptent.


Les chambres sont très confortables, une fois de plus tout s'arrange nous pensons alors que Dieu veille sur ses pèlerins, et nous le remercions dans cette superbe église de San Giacomo in San Cristoforo, célèbre pour ses fresques qui sont d’une grande beauté, le prêtre de la paroisse nous fait cadeau d’un document ou l’ensemble de ses fresques sont représentées.


Nous terminons la soirée par un repas au restaurant, nous nous disons adieu car demain je reprend mon rythme habituel, et Patricia reste sur sa distance personnelle soit vingt à vingt cinq kms par jour.


23ème jour

Vendredi 13 septembre 2002

Vercelli / Mortara 32 kms


Départ à huit heures par un temps agréable, soleil, mais vent frais, avec cette douleur au talon qui m’inquiète un peu, je souffre également depuis quelques jours d’un problème de bronches, je tousse beaucoup, mais avec l’aspirine dont je dispose j ‘espère que cela passera.


Je chemine dans une région rigoureusement plate, entièrement consacrée à la culture du riz, et cela à perte de vue, ce qui représente des milliers d’hectares de cette culture, avec tout le travail que cela représente, de canaux et de digues parfaitement entretenus.


La journée se passe sans incident, la monotonie du paysage est heureusement rompue par les ouvriers s’activant aux travaux de la récolte du riz. Le vent présent depuis ce matin est désagréable parce que froid, et d’une régularité extrême dans cette région ou il ne rencontre aucun obstacle, et pour le marcheur pas de possibilité de s’en abriter.


Après avoir traversé Palestro et Robbio, j’arrive enfin à Mortara, et là commence la recherche de l’asile tant souhaitée. Je découvre qu’il me faut traverser toute la ville, car l’abbatiale de San Albino se trouve complètement à l’extérieur de la cité. Ayant demandé plusieurs fois mon chemin (toujours avec les même difficultés de compréhension) j’arrive enfin dans un lieu qui fut sans doute grandiose à l’époque de sa splendeur. Je suis accueilli par un gardien, qui fait tout son possible pour me rendre la vie agréable, et me raconte l’histoire de cette abbatiale.


L’abbatiale de San Albino fut construite sous le règne de l’Empereur Charlemagne, et fut entièrement reprise au dix-septième siècle, pour hélas se retrouver en ruine à ce jour. Lorsque l’on voit l’emplacement de tout ces bâtiments on se rend mieux compte de l’importance que pouvait représenter cet ensemble.


Aujourd’hui un travail de sauvetage est entrepris depuis trois ans, et la chapelle ainsi qu’une salle attenante ont été entièrement restaurées, c’est d’ailleurs dans cette salle que le gardien m’installe un lit pliant pour que je passe la nuit.


Ce soir je retourne à Mortara distant de deux kms environ pour me restaurer, et comme j’ai un peu de temps je flâne dans un bar, amusé à regarder vivre au plus près tous ces gens, charmants mais aussi très exubérants.


Je trouve un restaurant pour déguster l’habituelle ration de pâtes, et ce soir comme j’ai encore faim je tente l’assiette de fromage. Je dois dire que c’est une expérience que je préfère renouveler lorsque je serai rentré en France, question de goût sans doute, mais le fromage italien ne convient pas à mon palais.


Je rentre tranquillement à mon gîte, en appréciant la douceur du soir, le vent étant tombé, je goûte pleinement ce moment de tranquillité et de quiétude, après une journée d’effort.



24ème jour

Samedi 14 septembre 2002

Motara / San martino Sicomario 40 kms


Ce matin petit déjeuner en compagnie du gardien, celui-ci ayant insisté pour que nous partagions ce moment, je crois qu’il veut me faire plaisir, je me retrouve en grande conversation avec cette personne qui ne parle pas le Français, et malgré cela nous nous comprenons, et nous apprécions.


Départ sous une brume légère pour voir rapidement le soleil percer. Je fais une première pose à Tromello, dans un bar pour prendre un second petit déjeuner, le premier si il était très agréable, n’en était pas moins peu copieux. Lors de ma halte dans ce village j’en profite pour faire mes provisions, et là je rencontre une vieille dame parlant un peu le français, et surtout très curieuse de savoir ou j’allais, j’ai donc expliqué mon cheminement vers Rome, et ai du répondre aux questions des personnes qui entre temps étaient entrées dans le magasin.


La suite de la journée se déroule sans incident, et l’étape étant longue j’arrive fatigué en vue de la ville de Pavie, car San Martino se trouve dans la banlieue sud de Pavie. A ce moment je suis interpellé par deux jeunes gens en voiture, qui m’ayant repéré ce matin au départ de Mortara, me demande ou je vais, et surtout pourquoi je marche autant, j’explique que je suis pèlerin et que ma destination est Rome, les deux garçons me propose de les accompagner, afin que je puisse rencontrer le père de l’un d’eux qui est pasteur évangéliste.


Je comprend que j’ai affaire à des ROM, j’accepte leur invitation, et après avoir mis mon sac dans le coffre de leur véhicule, j’embarque pour rejoindre un campement ou il y a environ cent caravanes. Le chauffeur me conduit à sa propre caravane, il me présente sa femme et ses deux enfants, il m’offre à boire, ce que j’accepte et même à manger, ce que je refuse n’ayant pas faim. Pendant ce temps son collègue est partie à la recherche du pasteur, hélas celui-ci n’est pas au campement, je décide donc de repartir car il me faut trouver mon gîte.


Mon chauffeur me reconduit jusque devant la paroisse de San Martino, et me souhaite bonne route. J’entre dans une cour jouxtant l’Eglise, là je rencontre un prêtre à qui je demande l’hospitalité, pour me l’entendre refuser immédiatement, j’ai à ce moment précis l’impression d’être un gêneur et que mon interlocuteur a autre chose à faire que d’écouter un pèlerin en quête de gîte. Je fais demi tour désemparé et subitement encore plus fatigué, je consulte mes documents pour voir quelles sont les autres possibilités offertes. Ayant découvert une autre lieu recommandé pour l’hébergement des pèlerins, je reprend mon sac et recommence ma quête, pour trouver ce lieu qui se révèle être un centre des compagnons d’Emmaüs, ou je reçois un accueil tout aussi négatif, il y a des jours ou il ne fait pas bon être dans le besoin.


L’heure avançant inexorablement, je me décide à chercher un hôtel, mais pour cela je dois traverser la ville de Pavie. Je décide de prendre le bus mais je n’ai pas de billet, et surtout je ne sais pas quel ligne je dois prendre. En arrivant à l’aubette, j’avise une jeune fille qui attend elle aussi un bus, je la questionne sur la direction que je dois prendre pour rejoindre le quartier de la gare, coup de chance elle parle un peu le français, elle me fourni les indications demandées, et lorsque je lui demande ou je peu acheter un ticket elle m’en offre un très spontanément, et surtout refuse que je le lui rembourse. Nous prenons donc le bus en même temps, elle me dit de la suivre car elle va dans le centre, et là, elle m’indique le changement qui me permet de rejoindre la gare.


Je trouve un hôtel, et pousse un grand ouf de soulagement, car cette pression pour trouver un lit m’a littéralement vidé.


Moralité de cette journée : les ROM et les jeunes filles, valent mieux que les curés, au moins pour aujourd’hui.


25ème jour

Dimanche 15 septembre 2002

Pavie / San Christina e Bissone 24 kms


Petite étape aujourd’hui, afin de récupérer un peu des fatigues accumulées. Je commence donc par flâner un peu dans les rues de Pavie qui à sept heures un dimanche matin sont désertes. Mes pas me conduisent tout naturellement vers la cathédrale qui est un monument très imposant, et dont le dôme se voit de très loin.


Je prend quelques photos de l’extérieur du monument, et je pénètre à l’intérieur pour prier, et aussi dans l’espoir de trouver une personne pour faire tamponner mon crédential. J’ai la chance de rencontrer un prêtre qui me met en relation avec le sacristain, celui-ci étant préposé aux tampons. Je l’accompagne dans la partie centrale de la cathédrale, qui est actuellement en réfection, et j’apprend que ce dôme est le troisième d’Europe par sa hauteur, qui d’ailleurs est impressionnante, mais hélas les travaux vont certainement durer quelques années, car le tout me semble en mauvais état.


Après cette visite rapide, je prend la route non sans passer près du pont couvert que j’avais aperçu hier soir. Il s’agit d’un pont qui franchi la rivière Ticino, elle même affluent du Pô, ce pont en maçonnerie a la particularité d’être doté d’une toiture en tuiles, ce qui lui donne l’aspect d’un passage couvert, je prend bien évidemment des photos de cette curiosité.


La route se passe sans incidents, la chaleur est forte, mais supportable surtout sur une aussi courte étape. J’arrive donc dans San Christina, et là comme à l’accoutumée je commence à demander mon chemin, le village n’étant pas important, je trouve facilement la paroisse ou je sonne avec quelque appréhension, le problème d’hier va t il se répéter ?

Non, mille fois non ! aujourd’hui l’accueil du prêtre est des plus chaleureux, il s’empresse de me conduire dans une salle paroissiale qui tient lieu de foyer, et ou sont réunis un certain nombre de gens occupés à boire et à discuter. Je suis tout de suite entouré on m’offre une bière, et tout le monde veut me saluer, je suis très loin de la galère d’hier soir, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.


Après avoir passé quelques instants en compagnie de tout ces gens, le prêtre me conduit au premier étage, dans un local simple mais correct, je dispose d’une douche, il ni a pas de lit, mais j’ai l’habitude, et en poussant deux tables le long du mur je dispose d’un bas flanc sur lequel je peux dérouler mon duvet.


Après avoir pris une douche et m’être reposé un peu, je redescend au local en dessous, la télé retransmet un grand prix automobile, Ferrari étant en tète tout va pour le mieux pour mes nouveaux amis italiens. Je m’installe dans un coin de la salle avec mes cartes pour préparer les étapes suivantes, c’est à ce moment là qu’un jeune handicapé en fauteuil, vient me saluer, il me dit s’appeler Andréa. Il sait que je suis français, il parle correctement notre langue, et est tout heureux de pouvoir échanger avec moi. Ses compatriotes profitent de cet interprète pour m’interroger plus longuement sur mon pèlerinage, et pour me témoigner à nouveau leur sympathie.


En échangeant avec Andréa, celui-ci me dit qu’il s’est rendu plusieurs fois à Rome, et insiste pour que j’essaie d’assister à une audience Papale publique. Celle-ci ayant lieu tous les mercredi, il se propose de prendre contact immédiatement avec des personnes qu’il connaît à Rome pour essayer de me trouver une introduction pour cette audience.


Je retrouve Andréa après avoir dîner dans un petit restaurant de pâtes italiennes toujours aussi succulentes. Il me dit avoir obtenu de ses amis romains la possibilité pour moi d’assister à cette audience, seul problème pour moi il me faut arriver impérativement à Rome pour le huit octobre l’audience ayant lieu le neuf, voilà qui va m’obliger à un peu plus de rigueur dans ma programmation. Nous échangeons nos adresses, et les info qui me seront utiles à Rome, et je monte me coucher satisfait de cette journée.


Entre les Rom d’hier et ce jeune handicapé d’aujourd’hui, et moi le pèlerin sans toit, c’est la chaleur humaine, le plaisir d’offrir, la simplicité dans le partage, chacun ne pouvant proposer que ce qu’il a, c’est bien la façon de donner qui importe.

26ème jour

Lundi 16 septembre 2002

San Christina e Bissone / Piacenza 37 kms


Ce matin petit déjeuner servi par la femme qui s’occupe de la cure, une personne âgée très dévouée. J’ai droit à un grand café au lait avec pain ou biscottes, je choisi le pain, mais il n’y a ni beurre ni confiture, mais cela est offert avec tellement de gentillesse que c’est très bien, je quitte donc cette brave dame après l’avoir remerciée.


En sortant de la cure, j’entre dans l’église car j’ai envie de remercier Dieu pour cette soirée, et aussi pour prier pour tout ces gens, qui m’ont accueilli avec tant de simplicité.


Passage obligé à la boulangerie afin d’acheter le pain, qui avec le saucisson, sont l’essentiel de mon repas de midi et cela depuis le départ. La boulangère qui avait appris la présence d’un pellegrino, m’interroge sur ma démarche, et en quittant le village je rencontre un des habitants avec qui j’ai échangé hier soir, qui tient absolument à m’embrasser pour me souhaiter bon voyage. Ce village restera sans doute celui de la qualité de l’accueil, et de la gentillesse.


La route est agréable malgré un vent assez frais, au cours de la matinée je traverse le Pô, pour atteindre rapidement le village de Castel San Giovani ou je me met en quête d’une pharmacie, car mon problème pulmonaire perdure, et je suis à cours de médicament. Je demande mon chemin, et j’ai à nouveau cette chance de tomber sur une personne parlant très bien le français, et pour cause, il est parisien, d’origine arabe, et est actuellement à passer quelques jours chez son frère. Il me conduit jusque devant la pharmacie et là me souhaite bonne chance, pour la suite de mon voyage.


Je reprend ma route et n’ayant pas trouvé de gîte à San Nicolo, je continue jusqu’à Piacenza, évidemment le gîte se trouve tout à l’autre bout de la ville, et le jeu des questions aux passants pour trouver son chemin reprend. J’arrive enfin à l’Istituto Colombo, qui est un ancien cloître, dont une partie est toujours occupée par des moines, et l’autre partie réservée aux étudiants et aux gens en transit.


Je m’installe donc dans une petite chambre confortable, et je fais très vite la connaissance de deux étudiants, dont l’un parle le français, bien que d’origine sicilienne. Notre échange est très intéressant, les garçons sont curieux de connaître mon trajet et mes motivations, et moi je suis trop heureux de pouvoir échanger plus que quelques mots dans ma langue.


Ce soir comme à l’accoutumée, pâtes au dîner, et préparation de l’itinéraire du lendemain, avant de prendre un repos bien mérité.



27ème jour

Mardi 17 septembre 2002

Piacenza / Florenzuola d’Arda 23 kms


Après une bonne nuit de repos, dix heures de sommeil, je me sens en pleine forme pour attaquer la journée de marche. Dans l’enceinte du cloître je rencontre un moine, que je salue, celui-ci me répond en français, ce qui me permet de discuter quelques instants avant de reprendre la route.


Ce matin il fait beau, la température est agréable, et le soleil est de la partie, tout ceci cumulé avec une étape courte, il n’en faut pas plus pour que je sois d’une excellente humeur.


La route se passe sans incident, et j’arrive vers quinze heures à la paroisse de Florenzuola, là, je dois attendre pour rencontrer le prêtre car il y a une sépulture. Vers seize heures le suis accueilli par un séminariste, qui me dit qu’il n’y a pas de problème pour me loger, et quelques instants plus tard, le prêtre me conduit dans une maison voisine, ou je dispose d’une chambre petite mais confortable. Plus tard dans la soirée je rencontre un jeune africain qui fait office d’accueil, et celui-ci parlant ma langue m’explique qu’il s’agit d’un lieu destiné à héberger les migrants, et autres personnes ayant besoin d’un toit.


Dans la ville alors que je suis à la recherche d’un lieu pour dîner, et que je questionne autour de moi, je suis interpellé par une jeune femme africaine, qui parlant le français se propose de me renseigner, comme je la félicite pour la qualité de son français elle me répond «  évidemment je suis Burkina Fassaise » et cette remarque avec la fierté qui va avec, m’a fait chaud au cœur, pour cette femme comme pour d’autres africains rencontrés au cours de ce voyage, il semble évident de parler français, et surtout ils en sont fiers, je pense que nous devons prendre conscience de tous ces gens pour qui notre culture est une référence.



28ème jour

Mercredi 18 septembre 2002

Fluorenzuola d’Arda / Fornovo di Taro 47 kms


Ce matin départ avant sept heures, car cette journée sera la plus longue de toutes les étapes de ce pèlerinage quarante sept kms, si je veux être à Rome le mardi 8 octobre il me faut gagner une journée de marche sur le programme que j’avais établi, je décide donc de doubler l’étape, aujourd’hui cela semble possible.


Il fait beau et même chaud, la route de plaine ne présente pas de difficultés particulières, et à partir de Fidenza j’abandonne la direction sud/est pour passer complètement sud, direction Rome.


J’ai peu parlé jusqu’ici du temps passé sur la route, comme si marcher pendant huit, dix, voir douze heures comme aujourd’hui cela était naturel, et surtout allait de soi. Comme si pendant ce temps le pèlerin ne pensait à rien, alors que la période la plus personnelle de ces journées c’est bien évidemment ces longues heures de solitude, ou le pèlerin est face à lui même, face à la fatigue , à la douleur d’un corps qui voudrait tant s’arrêter.


Cependant il faut continuer, cela paraît tellement facile le matin, il fait frais, la journée commence, le corps est reposé, et le sac semble léger, mais au fil des heures les muscles se durcissent, la démarche se fait moins souple, les douleurs apparaissent, il va falloir se reposer.


La halte qui à généralement lieu qu’après trois ou quatre heures de marche, n’est jamais très longue, quelques minutes assis pour reposer les jambes et il faut repartir, seule la pose du déjeuner est un peu plus longue, le temps d’avaler l’habituel saucisson et pain, car il s’agit là des denrées les plus faciles à transporter, et qui ne craignent pas trop la chaleur.


La seconde partie de la marche est toujours plus difficile, il faut remettre les muscles en action, et à ce moment la fatigue devient plus pesante. Il faut continuer, aller vers ce but fixé hier ou quelques jours plus tôt. Se faire violence, penser à autre chose qu’à la douleur, avancer, avancer, je suis là pour cela, avancer mais rester lucide, prudent car la route a aussi ses dangers, et le relâchement est interdit, cependant tout arrive, et quand enfin le but apparaît, c’est la joie, la fierté toute personnelle d’avoir encore tenu le coup, d’être aller au bout du chemin.



Ce soir le bout du chemin c’est la paroisse de Fornovo, le padre m’accueille simplement, et me conduit au gîte, celui-ci se trouve dans une partie semi enterrée, et sent le moisi et l’humidité. Je suis tellement fatigué que je me contente d’aérer le tout, de prendre une douche, et je m’allonge sur un lit pendant une heure pour récupérer, car j’en ai bien besoin, aujourd’hui je crois que je suis allé au bout de ma volonté, un peu comme au Grand St Bernard.


Ayant récupérer, je décide d’assister à la messe de dix huit heures. Après avoir été faire mes provisions pour ce soir et demain midi, car ce soir j’ai prévu de dîner rapidement et simplement, ce sera une boite de bœuf en gelée, et un morceau de fromage, l’étape de demain sera encore une bonne étape plus de 30 kms dans une zone plus accidentée, cela va me changer de la plaine.



29ème jour

Jeudi 19 septembre 2002

Fornovo di Taro / Berceto


Départ ce matin pour une longue montée, qui va durer une grande partie de la journée. Altitude de départ 142 m, pour atteindre 1022 m, et redescendre à 808m à Berceto.


Le temps est incertain, avec des périodes de bruine plus ou moins dense, heureusement le vent s’est levé et a chassé les nuages, mais la température fraichie, sans doute en raison de l’altitude, mais aussi parce que je traverse des zones boisées, qui retiennent l’humidité.


La montagne autour ressemble beaucoup au Massif Central, et la randonnée est agréable, bien que fatiguante, je n’ai pas complètement récupéré des fatigues de la journée d’hier.


Je m’arrête pour déjeuner dans le village de Casio, ou je trouve un banc presque sec, j’en profite pour m’installer confortablement, on peu jouer les nomades, et apprécier un peu de confort. J’atteint enfin le village de Berceto, et je cherche mon gîte, qui ce soir se trouve dans un camping. Après quelques questions aux habitants, je découvre que le camping est situé à un km du village, cela va compliquer un peu pour le dîner, mais j’attend de voir sur place.


Je suis très bien accueilli par Mr Pianelli le propriétaire du camping, qui me propose un lit dans un gîte de douze places, pour moi seul comme à l’habitude. On peut aimer la solitude, mais point trop n’en faut, et je commence à regretter que de temps en temps il n’y ai pas d’autres pèlerins. Cependant ce soir pour la première fois je vois à vendre des maillots portant le sigle se la Via Francigéna, j’en achète un en me promettant de ne le porter qu’à Rome.


Ne trouvant pas de restauration sur place, je décide après m’être douché, reposé, et avoir laver un peu de linge, de retourner au village pour déguster les délicieuses pâtes Italiennes, qui me permettront de récupérer, et d’emmagasiner de l’énergie pour demain, et comme à l’accoutumée, je me couche très tôt.



30ème jour

Vendredi 20 septembre 2002

Berceto / Pontrémoli 29 kms


Ce matin je pars avec trente minutes de retard, car la jeune dame qui ouvre les bureaux n’est arrivée qu’à huit heures, enfin, la journée passera quand même. Départ sous une petite pluie, mais cela ne dure pas très longtemps, la brume qui suit est bien tenace et tout cela est plutôt froid. Je commence d’ailleurs à ressentir plus vivement le froid, deux raisons à cela, tout d’abord la saison avance et les températures baisses, autre raison, j’ai perdu sans doute cinq à six kilos, et je suis certainement plus sensible au froid, surtout le soir quand s’ajoute la fatigue d’une journée d’effort.


La matinée se passe à monter en direction du Passo de la Cisa, à une altitude de 1041.6 mètres ( précision italienne), dans une zone boisée très jolie par beau temps, mais un peu triste avec la brume.


Je franchi la passe de la Cisa, et je profite de l’auberge qui se trouve au sommet, pour prendre un grand café latté, afin de me réchauffer un peu avant d’entreprendre la descente. A midi je traverse le village de Montélungo, et ayant trouvé un banc, je me restaure dans des conditions de confort acceptables, si ce n’était la température.


Dans l’après midi le soleil se décide à remplir son rôle, et viens réchauffer la température. Au cours de ma descente vers Pontrémoli, je rencontre un homme qui est à faire son plein d’eau à une source sur le bord de la route, il s’agit d’un vietnamien d’origine, qui lui aussi parle le français, nous passons quelques instants à deviser tous les deux de façon très sérieuse, puis je continue ma route.


En arrivant à Pontrémoli, je cherche le séminaire ou théoriquement je dois trouver asile, je sonne longuement, très longuement, sur toutes les touches de l’Interphone, pour ne recevoir en réponse que le silence absolu. Je suis une nouvelle fois gagné par le découragement, et je m’assied sur les marches de l’église qui jouxte le séminaire, tout en ayant quelques pensées meurtrières pour ceux qui installés dans leur confort, se préoccupent sans doute plus de leur sécurité, que de l’exercice de la charité.


J’en suis là de mes réflexions, lorsque un homme s’approche de moi et me parle en italien, je lui répond en français, et miracle ! il parle ma langue, je lui explique mon problème, il me conseille d’aller chez les Frères Capucinis, m’assurant que là je trouverai asile.


Je reprend mon sac et en route pour quelques hectomètres de plus. J’arrive à la porte du monastère, je sonne, et hélas pas de réponse. J’avise l’église, et j’entre bien décidé à trouver une solution à mon problème. Quelques personnes semblent attendre, j’interroge, et on m’explique que le moine confesse, et qu’il faut attendre son tour. J’attend patiemment, et lorsque c’est à moi, je me rend à la sacristie , pour rencontrer un capucin à qui je commence à adresser ma requête dans mon sabir franco italien, celui-ci m’arrête tout de suite en me disant ( te fatigue pas , j’ai été trente deux ans missionnaire en Centre Afrique, je parle le français aussi bien que toi). Je lui fais part de mes problèmes, et instantanément il me conduit à l’intérieur du monastère pour m’indiquer une chambre ou il y a deux lits, en me disant installe toi, prend une douche, et n’oublie pas le dîner est servi à dix neuf heures, puis il repart continuer ses confessions.


Je fais un tour dans la vieille ville de Pontrémoli, c’est une ville très ancienne, les maisons son très hautes avec des rues étroites, si étroites, que dans certaines d’entre elles, les murs sont creusés à hauteur du moyeu des charrettes d’autrefois, pour que celle-ci puissent passer. Voilà qui permet d’imaginer ce que pouvait être la vie dans ces cités, il y à trois ou quatre cent ans.


Je rejoins le monastère, et la je fais la connaissance d’un prêtre de l’ordre de St Basile, qui vient d’arriver. Ce prêtre a longtemps été enseignant au Liban comme professeur de français, et est tout heureux de pouvoir échanger dans cette langue. L’histoire de ce prêtre est peu banale, il est le fils d’un diplomate russe (de l’époque communiste), et d’une mère autrichienne, il a beaucoup vécu dans le proche orient et parle l’arabe couramment, il vit maintenant en Italie, mais voyage beaucoup.


Le dîner se passe de manière très agréable et très détendue, nous sommes six à table, dont quatre parlent le français, ce qui fait que la conversation se déroule complètement dans cette langue, et j’en sais gré à mes hôtes, car dans cette soirée, en plus de la nourriture qui est succulente, il règne un climat de bonne humeur et de sérénité qui un peu plus vous donnerai envie de prolonger le séjour.


Le dîner terminé je rejoins ma chambre, car entre temps j’ai été déplacé, je loge dans la partie monastère, car la chambre d’accueil a été donnée à deux femmes, la mère et la fille, qui sont aussi venu demander l’asile pour une nuit.


Avant de trouver le sommeil je réfléchi à cette journée, à l’inquiétude ressentie devant la porte close, puis le bonheur quand tout simplement quelqu’un vous dit « viens installe toi, et ce soir nous partagerons la nourriture », les deux faces d’une même Eglise, ce soir j’ai rencontré l’Eglise missionnaire, l’Eglise qui s’ouvre aux autres, et cela on ne peu pas l’oublier, car j’ai passé ce soir ma meilleure soirée depuis que je suis en route.




31ème jour

Samedi 21 septembre 2002

Pontrémoli / Aulla 23 kms


Ce matin j’assiste à la messe avec l’ensemble des moines, et quelques paroissiens. Cette messe avec tout le dépouillement, mais aussi avec toute la sincérité de ces gens qui ont voué leur vie à Dieu, me procure un vrai bonheur, je me retrouve comme eux, disponible, prêt à partir, en recherche sans doute, je me retrouve pèlerin.


Après cette courte cérémonie, j’ai droit à un vrai petit déjeuner à la française, avec café au lait, pain ,beurre et confiture, un vrai régal. En quittant mes hôtes, je remercie le moine qui m’a accueilli la veille, en lui redisant tout le bonheur que cela m’a procuré, pour m’entendre donner cette réponse : (nous autres missionnaires nous savons ce que cela représente que d’aller chez les autres, vous êtes aussi un missionnaire, continuez mon ami).


Sur ces paroles, je reprend mon sac à dos, et franchi l’enceinte de ce lieu ou je viens de rencontrer la sérénité. En quittant le monastère je croise un couple de hollandais, nous échangeons quelques mots, et je découvre qu’ils sont aussi pèlerins. Ils font la Via Francigéna en se partageant les tronçons, chaque équipe ne couvrant qu’une centaine de kms, ils avaient l’air très surpris que je fasse cette via de bout en bout.


La route s’annonce difficile car la pluie qui avait sévi dans la nuit revient à nouveau, il faut prendre la cape et cela pendant plus d’une heure, d’ailleurs la journée continue ainsi, averse, accalmie et à nouveau averse.


En arrivant à Aulla je trouve la paroisse, mais hélas, le Padre me dit qu’il héberge déjà trois personnes, et donc qu’il n’y à pas de place pour moi. N’ayant pas de solution de rechange à moins de dix kms, et la pluie s’étant remise à tomber, je décide de chercher un hôtel, cela afin de me reposer, après une étape qui bien que courte n’en fut pas moins épuisante, en raison du temps lourd orageux et humide, mais aussi de pouvoir sécher mon équipement qui en a bien besoin.


Je profite pleinement de ce repos, la pluie tombant sans discontinuer, je ne redescend de ma chambre que pour dîner, et le repas expédié je me couche très tôt, pressentant que la journée de demain risque d’être rude en raison de la pluie. Il faut préciser que dans la soirée nous subissons un violent orage, avec des trombes d’eau, et que tout cela ne me paraît pas de très bon augure pour l’avenir.



32ème jour

Dimanche 22 septembre 2002

Aulla / Luni 25 kms


Ce dimanche réveil à six heures trente, juste pour jeter un coup d’œil à la fenêtre afin de vérifier si la pluie est toujours présente, comme il pleut des cordes je reste au lit jusqu’à sept heures, espérant une amélioration.


Un peu plus tard, je quitte l’hôtel pour me réfugier au bar situé de l’autre coté de la rue, afin de prendre mon petit déjeuner, en espérant que la pluie va enfin cesser. La situation ne s’améliorant pas je me décide à prendre la route, car il n’est pas question de perdre une journée, ne dit on pas ( la pluie du matin n’arrête pas le pèlerin), je suis d’accord, mais si elle n’arrête pas le pèlerin, elle l’arrose cependant copieusement.


Cette pluie battante va durer plus de deux heures, les chaussures pleines d’eau, les vêtements qui commencent à être très humides malgré la cape, et en prime la gentillesse des automobilistes, qui lorsqu’ils roulent à pleine vitesse dans les flaques d’eau, vous arrosent entièrement. Il faut reconnaître qu’au bout d’un certain temps, cela n’a plus grande importance, de toute façons il n’y a plus rien à protéger, il faut seulement marcher, marcher car si je m’arrête là je risque de prendre froid.


La pluie ayant cessé lorsque j’arrive à Sarzana, ville ou j’avais envisager de m’arrêter si le temps était trop mauvais, je continue en direction de Luni, mais aussi de la Méditerranée, espérant qu’avec la proximité de la mer, le climat sera plus agréable.


Je marche donc sans me reposer, jusqu’à Luni, et comme à l’accoutumée je cherche la paroisse, qui hélas n’existe plus. Etant près d’une superbe église moderne, dont la porte est d’ailleurs fermée à clé, ce qui est rare en Italie, surtout le dimanche, je décide de me restaurer avant de chercher une solution à mon problème de logement. Le soleil étant enfin revenu, je profite de la vaste esplanade le l’église pour commencer à sécher mes vêtements, en profitant pleinement des rayons bienfaisants, après cette triste matinée.


Mon guide indiquant qu’un hôtel accepte les pèlerins, je m’adresse donc à cet endroit ou je suis d’ailleurs fort bien reçu, par une jeune dame qui me conduit à une chambre avec terrasse, de laquelle j’aperçois la mer. Je profite de l’installation pour prendre ma douche et faire un peu de lessive. Ceci étant fait je redescend au bar de l’hôtel, car j’ai remarqué en arrivant qu’il y avait beaucoup de gens devant la télévision, et j’aime beaucoup regarder vivre les gens partout ou je passe. Il faut préciser qu’il s’agit d’un match de foot, et il y a plus de trente personnes à se passionner, ce qui ne manque pas d’intérêt.


La soirée se passe tranquillement, je me repose, en regardant la pluie qui tombe à nouveau, et je prépare les étapes suivantes, calculant et recalculant les kms, afin d’envisager d’autres solutions si le mauvais temps persiste. Je descend dîner au restaurant qui jouxte l’hôtel, l’accueil est chaleureux, et les pâtes délicieuses, voilà qui termine bien une journée commencée sous la pluie.


33ème jour

Lundi 23 septembre 2002

Luni / Piétrasanta


Ce matin réveil avec la pluie, mais j’ai compris que rien ne sert d’attendre, aussi, je décide de partir comme d’habitude en espérant que cela s’améliorera.


Petit déjeuner vite avalé, je profite de l’ouverture des magasins pour faire mes courses, sachant que lorsque je serai trempé, je n’aurai guère envie de m’arrêter pour m’approvisionner.


La pluie est ma fidèle compagne presque toute la matinée, dommage car je suis le bord de mer, le port de Massa ou sur les quais sont stockés d’énormes blocs de marbre, en quantité incalculable, je pense que c’est le seul produit à être chargé sur ces quais. Il faut préciser que la ville de Carrara n’est distante que de quelques kms, j’aperçois d’ailleurs les carrières à flanc de montagne, lorsque la pluie diminue d’intensité.


En fin de matinée la pluie ne cessant pas j’ai la chance de trouver un auvent bien abrité, ou je m’installe pour me restaurer, car la pluie et le froid m’obligent à consommer plus de calories, et il faut éviter la fringale.


Ce repas vite expédié, j’ai le bonheur de voir enfin le ciel se dégager un peu, je reprend donc ma marche avec plus de plaisir. La côte n’est qu’une suite ininterrompue de marinas, qui en définitive me cachent souvent la mer, la route est fort belle, avec ce coté méditerranéen, palmiers et lauriers rose sur les bas cotés, avec des passages piétonniers, et cela sur plus de dix kms.


J’arrive enfin à Piétrasanta, cette ville semble touristique, si je me réfère au nombre de touristes rencontrés. Je trouve facilement mon gîte qui pour ce soir est la Casa la Roca institution tenue par des sœurs. Je suis accueilli par une religieuse qui parle couramment le français, et qui est de plus fort gentille. Je suis installé dans un dortoir de treize lits, mais toujours aussi seul, cela à bien sur un intérêt , je peut mettre facilement mes vêtements à sécher, mais la solitude pèse parfois.


En discutant avec la religieuse, j’apprend que déjà à l’époque de Michel Ange, les marbres de Carrara étaient très réputés, puisque celui-ci venait jusque dans les carrières pour choisir les blocs qui l’intéressaient.


La soirée se passe simplement, j’assiste à la messe , puis je flâne un peu en ville avant dîner, pour rejoindre rapidement ma chambre, car les soirées deviennent plus fraîches, et je suis de plus en plus sensible au froid.



34ème jour

Mardi 24 septembre 2002

Piétrasanta / Lucca 34 kms


Ce matin réveil six heures trente pour constater qu’il pleut fort. Après avoir un peu traîné, en espérant une amélioration du temps, je me rend au bar pour prendre le petit déjeuner, en regardant la pluie tomber.


Je prend enfin la route car il faut bien se décider, marcher étant le seul moyen d’avancer lorsque l’on est pèlerin, la pluie fait en ce moment partie de mon quotidien.


Je longe à nouveau la mer, dont je ne profite nullement, la vue m ‘en étant cachée par toutes les marinas qui se succèdent. Arrivé à Viareggio , je fais quelques provisions, puis je quitte la Méditerranée, qui décidément ne m’aura pas porté chance, puisque depuis Luni j’ai la pluie tous les jours.


En m’enfonçant à nouveau à l’intérieur des terres, j’ai la joie de retrouver un temps plus clément, et même de voir enfin le soleil, inutile de préciser que le moral revient et que c’est d’un pas léger que je continue ma route.


J’arrive enfin à Lucca, très jolie ville fortifiée, avec beaucoup de touristes, et moi qui fidèle à mes habitudes demande mon chemin, car ce soir j’espère loger à (la casa d’el Cléro) autrement dit la maison du clergé. Après moults demandes, je trouve enfin le lieu prévu, et l’accueil qui m’est réservé étant très chaleureux, c’est un pèlerin heureux qui se prépare à passer une excellente soirée.


Après la douche, je profite du temps redevenu meilleur pour découvrir un peu la ville. Celle-ci entourée de remparts, possède plusieurs églises, et comme dans toutes ces citées anciennes, les rues sont étroites, mais de larges places, donnent une impression d’espace qui rend le tout fort agréable.


Le dîner copieux et varié, est servi directement au gîte, et celui-ci terminé je rejoint ma chambre, disposant d’un poste de télé je regarde les prévisions météo, pour m’entendre confirmer que le beau temps est de retour, en espérant qu’il en sera bien ainsi, je prend un repos bien mérité.


35ème jour

Mercredi 25 septembre 2002

Lucca / Fucecchio 32 km


C’est sous un temps incertain que je quitte Lucca, la pluie menace, mais en définitive le vent chasse les nuages. En arrivant à Altopascio je fais mes courses car je suis à cours de nourriture, et la faim se fait sentir. Je décide d’ailleurs de changer mon alimentation du déjeuner, car je commence à me fatiguer du saucisson sec. Ayant découvert des boites de bœuf en gelée, cela me rappelle un peu l’armée, mais le produit me convient et je le consommerai sans doute en plus grande quantité, ce qui m’est indispensable, car je souffre de plus en plus du froid, en raison de ma perte de poids.

La fin de parcours est un peu dure, la fatigue se faisant sentir, et surtout je n’ai pas de gîte de prévu. En arrivant à Fucecchio, je me dirige vers la ville haute, car c’est toujours dans la vieille ville que se trouvent les institutions religieuses, et c’est là que je compte demander asile.

Arrivé près de l’église, je profite d’abord du magnifique paysage qui s’offre à mes yeux, et j’ai alors la chance de rencontrer un jeune italien guide de son état, et répondant au prénom de Nicolas, qui se propose de m’aider à trouver l’hospitalité. Nous nous rendons chez le Padre pour faire tamponner mon crédential, et mon guide demande le gîte pour moi, dans un premier temps le Padre ne paraît pas très coopératif, mais devant l’insistance de mon nouvel ami, il se décide à téléphoner au couvent qui jouxte l’église. Il s’agit d’un couvent de Clarisses, celle-ci m’accordent sans doute un peu à contre cœur l’hospitalité. Je me dois de préciser que le premier moment passé, les sœurs Clarisses font ce qu’elles peuvent pour me permettre une installation qui bien que rudimentaire, est cependant très correcte. Nicolas qui m’accompagne toujours, tient à me faire visiter l’église du couvent, celle-ci renfermant des peintures de la renaissance italienne, nous avons d’ailleurs la possibilité de discuter avec une jeune femme qui s’active à la restauration d’une de ces toiles. Mon guide me précise que c’est de cette région de l’Italie, que la renaissance est partie, avec les écoles de peinture de Florence, Lucca, et Livourne, il tient surtout à préciser que si les plus belles œuvres sont à Rome, c’est qu’à l’époque les Papes étaient souvent les plus riches mécènes, et attiraient à eux les meilleurs peintres ou sculpteurs.

Après cette journée bien remplie, je décide d’assister à la messe, avant d’aller dîner rapidement dans une pizzeria, et je me couche très tôt, car j’ai besoin de récupérer.



36ème jour

Jeudi 26 septembre 2002

Fuccéchio / Certaldo 33 km


Ce matin départ à sept heures, direction le bar le plus proche pour le petit déjeuner, non sans avoir fait une courte halte dans l’église du couvent.

Aujourd’hui comme souvent l’air est frais, surtout de bon matin, mais le ciel est dégagé, et cela rend tout de suite la route plus agréable. Les paysages sont très jolis, c’est la Toscane des cartes postales qui se déroule sous mes pieds, dans le secteur de Fontanella je prend plusieurs photos, afin de garder pour plus tard le souvenir de ces lieux.

La journée avance lentement, au rythme des pas, cela peut paraître monotone, mais en réalité l’esprit est libre. Le corps habitué à l’effort ne commence à se manifester que dans l’après midi, lorsque les kms s’ajoutant aux kms, la fatigue vient rappeler au pèlerin que celui-ci n’est pas une machine. C’est alors qu’ il faut revenir aux réalités, commencer à fournir un effort pour aller vers ce but, avancer quand même, malgré le poids du sac, et faire ces quelques kms de trop, qui sont cependant indispensable pour atteindre le gîte prévu.

L’étape aujourd’hui est Certaldo, je suis très bien accueilli par le Padre de la paroisse, et le logement qui m’est proposé, est une salle de catéchisme, attenante à la sacristie. Seul détail là encore il ni a pas de lit, je rapproche donc deux tables, et j’installe mon duvet dessus, c’est un peu dur, mais cela m’isole du froid.

Je profite de la fin d’après midi, pour faire une petite promenade dans la ville, et pour aller boire une bière dans un de ces bars, car c’est l’un des endroits privilégié pour regarder vivre tout ces gens, j’y prend toujours autant de plaisir, peut être aussi que j’ai besoin d’entendre le son des voix, après toutes ces heures de solitude.

J’assiste à nouveau à la messe du soir, et je suis surpris de voir autant de gens dans l’assistance, il est cependant opportun de souligner la moyenne d’âge assez élevée des participants.

Pour le repas j’opte pour la pizzeria, c’est une formule plus souple que le restaurant, car il s’agit d’un lieu ou on peu se faire servir à la part, déguster debout, ou encore sur ces tablettes fixées au mur, le tout dans une liberté totale. Les gens ne cessent d’aller et venir, il s’agit là d’un lieu convivial et surtout bon enfant.

Le repas expédié, direction la sacristie pour une nuit de repos.



37ème jour

Vendredi 27 septembre2002

Certaldo / Castellina Scalo 26 kms


Aujourd’hui étape facile, parce que plus courte, il s’agit d’arriver à Sienne en forme pour pouvoir visiter cette ville que l’on dit fort belle. Ce matin temps couvert et frais, il faut bien reconnaître que la saison s’avance, et que même en Italie, la durée d’ensoleillement diminue, ce qui explique ces baisses de température. D’autre part, je suis sans doute un peu court en équipement pour cette saison, mais je suis parti au mois d’août, avec de fortes chaleurs.

La marche se déroule sans incidents, et ne trouvant pas d’hospitalité dans le village de Castellina Scalo, je me décide pour l’hôtel, cela ne me convient pas trop, mais hélas il y a des moments ou je n’ai pas le choix.

Je dîne simplement d’une boite de conserve, cela sera la deuxième de la journée, mais l’important n’est il pas de se nourrir, pour pouvoir continuer à avancer.


Ce soir j’ai envie de faire le point, et surtout de réfléchir un peu plus longuement sur cette démarche, qui me conduit vers Rome.

Trente sept jours de marche presque 1100 kms de parcourus, seul, sans parler la langue, sans connaître personne, pourquoi ?

Par goût de la solitude : non

Par goût de l’effort : peut être ?

Pour se prouver quelque chose à soi même : sans doute

Pour trouver un sens à sa vie :peut être ?

Tous ces peut être et ces sans doute ne sont pas une réponse complète à un tel pèlerinage, qui dépasse de beaucoup en pression psychologique ce que j’avais déjà connu sur les chemins de Compostelle, car là rien n’est organisé, tout n’est qu’incertitude et tension.

Marcher sans savoir si l’endroit ou l’on va s’adresser pourra ou voudra vous accueillir, c’est le lot quotidien du pèlerin vers Rome, là il faut s’en remettre à Dieu, pour que les choses finalement s’arrangent.

Dieu, n’est ce pas là, la vrai recherche ? dans ce pèlerinage j’ai prié, j’ai souvent assisté à la messe, j’ai essayé de comprendre la foi, car je l’ai rencontrée à travers les gens qui m’ont accueilli, mais ce qui paraît simple pour certains, est toujours aussi compliqué pour moi.

Encore dix jours de réflexion, puis ce sera la place St Pierre à Rome, et sa Basilique, là j’essaierai d’écrire à nouveau mes sentiments, car il me paraît important de pouvoir relire tout cela quand le train train de la vie aura repris.



38ème jour

Samedi 28 septembre 2002

Castellina Scalo / Sienne 16 kms


Départ ce matin à huit heures, afin d’essayer d’être à Sienne pour midi. La route se déroule facilement, il fait beau et les paysages sont toujours aussi jolis.

Sienne, la ville fortifiée est très vaste, et surtout très belle, les maisons bien que fort anciennes sont entretenues, pas spécialement les façades, mais lorsque le regard pénètre dans les cours intérieures, c’est un vrai régal, on sent une recherche de l’harmonie, et une douceur dans les formes et les couleurs.

Je cherche l’église de San Francesco, car c’est là que je dois trouver asile, et comme à l’accoutumée, après quelques hésitations, beaucoup de questions, j’arrive enfin sur un magnifique parvis, d’une grandeur impressionnante, surtout dans cette ville fortifiée, ou la place semble comptée, c’est le parvis de l’église San Francesco, je suis donc arrivé.

Fort bien accueilli, je suis logé dans des bâtiments annexe à l’église, après une rapide toilette, je pars visiter Sienne.

J’ai la chance de trouver rapidement la place du Palio, et la aussi je suis surpris de l’importance de cette place, comme nous sommes samedi après midi, il y a foule, aussi bien à la terrasse des bars, que tout simplement assis à même le sol. Cette ambiance bon enfant, est très agréable, je décide de déguster une de ces délicieuses glaces italiennes.

Je quitte la place du Palio, pour flâner dans les rues, qui sont très animées, et mes pas me diriges vers le sanctuaire de Sainte Catherine de Sienne, que je visite, afin d’en apprendre un peu plus sur cette Sainte. En quittant ce sanctuaire, j’aperçois la Basilique de Sienne, avec ses pierres de couleurs différentes, blanche et noire, qui donnent un aspect curieux à cet édifice. Lorsque j’arrive devant le fronton de cette basilique, j’admire la qualité et la beauté de ses sculptures, ainsi que la beauté des sols, qui sont à eux seuls une œuvre d’art. Le marbre est ici la pierre par excellence, que se soit pour le travail des sols, ou la réalisation des sculptures, cette matière aux teintes si variées est ici utilisée avec un art qui touche à la perfection.

La pluie menaçant de tomber, je me décide à retourner à mon gîte, et j’en profite pour visiter aussi l’église de San Francesco, ou je découvre des peintures du XV et XVI siècles, qui sont aussi d’une très grande beauté.

La soirée s’achève, un dernier tour dans la ville pour trouver quelque chose à manger avant de prendre un repos réparateur.



39ème jour

Dimanche 29 septembre 2002

Sienne / Buonconvento 31 kms


Départ ce matin des sept heures, nous sommes dimanche, et c’est une ville encore endormie que je quitte. La route est agréable, je traverse la ville fortifiée, et le silence ambiant, permet de rêver à une époque ou ces rues ne connaissaient que le passage des piétons, et le roulage des charrettes, ici rien n’a vraiment changé, les véhicules en stationnement sont peu nombreux, et l’environnement est celui des siècles passés.

Après avoir franchi une des portes de la ville fortifiée, la campagne est rapidement là, toujours aussi belle. Le soleil pointe, mais il est accompagné d’un vent du nord évidemment froid, ce qui annonce une journée sans beaucoup de chaleur.

La route ne présente pas de difficultés, je marche sur une voie qui serpente dans une large vallée, je traverse des villages tous très beaux, avec des noms que je trouve très agréables, :Isola d’Arbia, Montéroli d’Arbia, Ponte d’Arbia, pour enfin arriver à Buonconvento terme de mon étape.

J’éprouve quelques difficultés pour trouver un endroit ou poser mon sac, les tarifs proposés ne me convenant pas. Je fini par opter pour l’hôtel, ou je trouve un accueil agréable.

Comme nous sommes dimanche, il y a beaucoup d’animation en ville, car il se tient un genre de foire, tenant à la fois de la brocante, et de la foire exposition, tout cela dans une ambiance musicale très bon enfant.

Il faut préciser que le village de Buonconvento est lui aussi un de ces villages fortifiés, comme on en trouve un certain nombre dans la région. Ce qui ajoute à son charme, c’est cette manifestation qui se tient aujourd’hui, et qui renforce ce coté centralisateur de la cité.

Je me promène un moment parmi tout ces badauds, je me sens bien, libre, complètement anonyme, seul, et cependant entouré de cette foule de gens simples et heureux, aujourd’hui pour eux c’est jour de fête, et cela me va bien de partager ce moment avec eux.

Pour le dîner, je décide ce soir de prendre mon repas au restaurant de l’hôtel, cela va me changer un peu des pizzas variées.



40ème jour

Lundi 30 septembre 2002

Buonconvento / Gallina 30 kms


Ce matin départ à huit heures, le village a vraiment des allures de lendemain de fête, avec ses stands vides, et des papiers à traîner partout, mais déjà les employés s’affairent pour le grand nettoyage.

La route est facile, il ne fait pas chaud au départ, mais le vent est faible, et le soleil ne va certainement pas tarder à réchauffer l’atmosphère. La journée est facile, je traverse une région de grande culture, mais malgré cela les paysages ont toujours la même douceur, tout en rondeurs, comme ci rien ne devait accrocher l’œil, pour permettre d’embrasser d’un seul coup, cette immense palette de couleurs.

En traversant San Quirico d’Orcia, je fais quelques provisions, (pain et bœuf en gelée) car ce soir je ne suis pas sur de trouver du ravitaillement, le village de Gallina ou je prévois de m’arrêter, me semble très petit.

J’arrive à Gallina vers seize heures, et là je n’ai aucun problème pour trouver mon gîte, il s’agit d’un restaurant qui a quelques chambres, et c’est le seul au pays. Je m’installe rapidement, la chambre est confortable, seul petit inconvénient, le restaurant est fermé ce soir, je vais devoir improviser.

Pour l’instant, je me suis installé à la terrasse du restaurant, et je prépare mon itinéraire pour les jours à venir tout en profitant des derniers rayons du soleil. Une dame qui vient récupérer sa voiture au parking voisin, m’interpelle en me demandant ou je vais, je lui donne ma destination et une conversation s’engage, mi français mi italien. Cette dame est très branchée religion, spiritualité, méditation, et autres problèmes métaphysiques, enfin un peu illuminée mais gentille, et pour moi une occasion de parler avec quelqu’un.

Pour dîner je trouve un bar ouvert au bout du village, ou l’on accepte de me servir deux paninis, et une part de gâteau, le tout arrosé d’un vin italien, et je rentre me coucher.


41ème jour

Mardi 1er octobre 2002

Gallina / Ponte a Rigo 24 kms


Ce matin départ tranquille pour une journée courte. Des la sortie de Gallina les changements de paysage sont perceptibles, ce ne sont plus les vallons doux et entièrement cultivés, avec des bâtiments très beaux, mais plutôt une région de maquis, quasi désertique. Pour ce qui est de la population, n’ayant traverser aucun village de la journée, je ne peux me faire une opinion, quant à moi heureusement j’ai des provisions.

Le temps est très beau, pas un nuage, et avec le soleil la température est presque estivale, ce qui facilite grandement la marche.

Grande première aujourd’hui, pour la première fois je suis contrôlé par les carabiniers, ceux-ci se sont d’ailleurs montrés sympathiques, s’intéressant à mon périple, et me souhaitant bonne route.

J’arrive tôt à mon gîte, pour ce soir c’est un hôtel, car dans cette zone les disponibilités sont rares, l’accueil est agréable, et la chambre confortable.

Je profite d’être arrivé tôt, pour me préoccuper de mon hébergement à Rome, car à ce sujet rien n’est réglé. J’espérais trouver asile dans une organisation que m’avait recommandé Andréa, le jeune garçon handicapé rencontré à San Christina i Bissonne, mais hélas rien à faire tout est complet.

Après réflexion, je décide d’appeler l’organisation religieuse, ou nous avons retenu le logement, pour les quelques jours ou ma femme et ma fille seront à Rome avec moi. J’ai la chance que chez ces religieuses il reste de la place, et le problème de mon hébergement se trouve ainsi résolu.

La seule chose dont il faut que je me préoccupe maintenant, c’est d’obtenir une autorisation pour pouvoir accéder à l’audience publique du mercredi. Je vois ce problème au téléphone, avec ma fille restée en France, qui adresse un fax à la préfecture du Vatican, pour solliciter cette accréditation.

Ayant apporté un début de solution aux divers sujets me préoccupant, c’est l’esprit tranquille que je m’endors.


42ème jour

Mercredi 2 octobre 2002

Ponte a Rigo / Bolsena 35 kms


Je quitte ce matin ponte a Rigo à sept heures pour une rude journée, et surtout par un temps très froid. Il me faudra attendre une heure, avant que je ne me réchauffe les mains, ce qui démontre à quel point la température est basse. Le soleil est bientôt là, mais il manque de force, surtout à cette heure matinale.

La marche se déroule bien, en traversant Aquapendante, je m’arrête à la basilique du Saint Sépulcre, ou il y a une crypte datant du IX siècle qui est très belle, avec des piliers sculptés, et une représentation de la mise au tombeau du Christ, qui est très touchante. Après avoir quelques instants médité dans ce lieu, le reprend le chemin.

Ce midi comme je suis installé pour déjeuner, sur une grosse pierre en bordure de la route, deux hommes en voiture s’arrêtent, ils sont curieux de savoir ou je vais, car nos chemins se sont croisés ce matin. Je leur explique ma démarche de pèlerin, et ils tiennent absolument à m’offrir quelque chose, ils me proposent donc de partager leur pain qu’ils venaient d’acheter, ce que j’accepte autant par plaisir, que pour ne pas les décevoir. Après leur départ je ne puis m’empêcher de penser à toute la symbolique qu’il y a dans ce partage du pain, je crois être devenu un vrai pèlerin.

L’arrivée à Bolsena se passe bien, et je trouve sans trop de difficultés l’ancien couvent ou je dois passer la nuit. L’endroit est magnifique placé sur les hauteurs de la ville, avec une vue imprenable sur le lac. Les bâtiments sont immenses et désert, hormis le couple de gardiens, qui parlent le français, mais qui ne semblent pas avoir envie de converser.

La qualité du logement laisse à désirer, il est surtout regrettable, qu’un si beau bâtiment ne soit pas rénové, car l’emplacement et la qualité architecturale méritent mieux. Il faut aussi noter la présence de nombreux moustiques, ce que je n’apprécie que très modérément, ayant la fâcheuse habitude de les attirer.

Je redescend vers le village pour me restaurer, pizza rapide comme à l’habitude, et je retrouve très tôt ma cellule, car j’ai encore des problèmes de logement à régler avant Rome.



43ème jour

Jeudi 3 octobre 2002

Bolsena / Viterbo 36 kms


Départ de Bolsena à 7 heures, je commence par me tromper de route, car je veut longer le lac, ce qui me fait un détour de deux kms pour me retrouver à mon point de départ. Voilà qui commence bien pour une journée chargée.

La marche se déroule sous un temps couvert et froid, heureusement en fin de matinée le soleil revient, et la température s’améliore. Je m’installe pour déjeuner sur le parvis d’une église dans le village de Montefiascone, et je suis accosté par un homme qui parle un peu le français. J’apprend que cet homme est d’origine colombienne, et qu’il est poète, il me fait d’ailleurs cadeau de l’un de ses poèmes, et nous échangeons nos adresses Internet, en nous promettant de communiquer. Je reprend la route pour arriver à la ville de Viterbo vers seize heures. Là les difficultés commencent car la ville est grande, et je n’ai qu’une adresse incomplète. Je demande de nombreuses fois mon chemin, je me trouve dans une ville de style moyenâgeux, avec des rues pavées et très étroites, et même les policiers à qui je demande ma route, ne peuvent m’indiquer qu’une vague direction. Je me trouve après plus de neuf heures de marche, donc fatigué, ballotté d’un endroit à un autre, continuant à espérer, car il y a toujours un moment ou les choses s’arrangent. Et comme d’habitude le miracle a lieu, je m’adresse à un couple, sans doute la mère et le fils, et celle-ci dit au jeune homme de me conduire, et voilà comment après une heure de recherche, je sonne enfin à la porte de la parrochia San Andréa.

L’accueil est simplement formidable, le Padre me propose une chambre avec un vrai lit, et me dit en français que ce soir nous dînons à vingt heures.

Après m’être lavé et changé, je vais faire une promenade dans le centre historique de Viterbo, et je réalise quelques photos car le cadre est vraiment très beau, mais fatigué je regagne mon gîte.

Lorsque je retrouve le logement paroissial ou je suis hébergé, je découvre que cette paroisse offre asile à un petit groupe de filles mères, et j’ai le plaisir de discuter avec elles. Leurs origines sont variées, puisqu'il y a une Russe, une Roumaine, une Portugaise, et une Italienne, toutes savent déjà que je viens de France, et beaucoup de questions sur la façon de vivre en France me sont posées.

Pendant le dîner pris avec le Padre et deux familles de paroissiens, ceux-ci se chargeant de l’intendance à tour de rôle, je découvre à nouveau une face cachée de cette Eglise Italienne, faite de solidarité et de partage. La gentillesse de ces gens rencontrés ce soir n’a pas de limite, l’un des hommes de la paroisse rapatrié autrefois de Tunisie, parle un peu le français, mais devant la difficulté à communiquer, il va chercher une personne de sa connaissance d’origine belge, qui elle parle couramment ma langue. Grâce à la gentillesse de cette femme, je découvre que la grande question qui semble les préoccuper, c’est tout simplement : que peuvent ils faire pour moi ? cela n’est il pas formidable, on m’offre le gîte le couvert, et en plus on se préoccupent de savoir si j’ai besoin de quelque chose. Je dois avouer que je suis surpris et même un peu gêner de tant de sollicitude, mais tout cela étant fait avec tellement de gentillesse que je ne sais que remercier encore plus mes hôtes.


44èmejour

Vendredi 4 octobre 2002

Viterbo / Fontevivola 33kms


Ce matin au moment du petit déjeuner, c’est à dire sept heures, l’une des femmes de la paroisse qui participait au dîner d’hier soir, arrive avec deux Thermos, l’un de café, l’autre de lait, de la confiture, le pain et le beurre étant sur place, pour me servir un petit déjeuner à la française. Tout cela fait avec beaucoup de simplicité, et de discrétion, puisque après s’être assurée que je ne manquais de rien, elle est repartie pour me laisser déjeuner tranquillement. Comment ne pas être admiratif, devant tant de dévouement, surtout qu’il me faut préciser que la seule demande de ces gens formidables, c’est que je prie pour eux à Rome.

J’ai pris la route, après avoir laissé un peu d’argent, mais surtout un message de remerciement à toutes ces personnes.

La marche c’est déroulée sans encombres, mais en arrivant à Sutri, j’ai découvert que le lieu ou j’ai retenu le gîte, se trouve à plus de trois kms, et à nouveau il faut recommencer la quête des renseignements, pour trouver des précisions sur la direction à prendre.

Mes pas me conduisent vers une église, ou des femmes sont à effectuer le grand nettoyage, j’avise l’une d’entre elles, et j’essaie de faire comprendre ma recherche. Celle-ci connaît le lieu ou je dois me rendre, mais devant la difficulté de compréhension, elle va chercher son sac, prend une page de son carnet personnel, pour me faire un plan, afin de mieux m’expliquer la route. Je remercie cette dame, car une fois de plus je constate qu’il suffit de demander humblement, pour que l’autre accepte de vous aider, et je reprend la route.

Quelques minutes plus tard, je suis assis sur le trottoir à déguster une glace, lorsque les carabiniers me demandent mes papiers, je donne ma carte d’identité, et je retourne m’asseoir, afin de terminer ma glace. Le chauffeur vient me chercher, ils semblent avoir un problème pour me contrôler, ils ne comprennent pas quel est mon nom, ils y ajoutent mon prénom. Je crois comprendre leur problème, mais je n’ai pas envie de les aider, et la comédie dure quelques minutes, avant que je ne me décide à collaborer, tout se termine bien je ne figure pas dans leurs fichiers.

J’arrive enfin à Fontevivola, et je trouve facilement le l’hébergement tenu par des sœurs Franciscaines. L’accueil est très bien, je suis tenté de dire comme à l’accoutumée, mais si il y a bien quelque chose que l’on apprécie toujours, c’est la qualité de l’accueil, et la gentillesse qui va avec. L’ensemble permet de recevoir une cinquantaine de pèlerins, et il y a cinq sœurs pour faire fonctionner l’établissement, elles sont toutes venues me saluer, il est vrai que les pèlerins arrivent plus souvent en bus qu’à pied, et que je me particularise certainement.

La Mère supérieure, me dit qu’elles attendent quarante personnes venant du Niger, pour assister à la béatification du fondateur de L’Opus Déi, cérémonie qui a lieu dimanche sept octobre, voilà qui explique les difficultés que je rencontre pour trouver des logements, depuis quelques jours.

Je suis logé de manière très confortable, le repas du soir m’est servi par une sœur pleine d’attention, qui craint sans doute que je ne tombe d’inanition, et qui me sert de substantielles rations, je ne résiste pas au plaisir de donner le menu : pattes, rôti de porc, fonds d’artichaut, salade, fruits, café, voilà qui change de l’habituelle pizza.

Les Nigérians ayant du retard, je ne ferai pas leur connaissance ce soir, peut être demain au petit déjeuner.


45èmejour

Samedi 5 octobre 2003

Fontevivola / Compagnano di Roma 26 kms


Ce matin pour commencer la journée je décide d’assister à la messe, qui est célébrée dans la chapelle attenante au local réservé à l’hébergement. Cette messe à laquelle assistent les sœurs, et surtout toute la délégation nigériane, c’est dire si je découvre une messe haute en couleur, tant par les chants, que par les tenues des participants et participantes, qui pour la plus part ont revêtu le costume traditionnel.

Après l’office je prend mon petit déjeuner, en compagnie du prêtre qui vient de célébrer la messe et qui appartient à l’ordre des capucins. Celui-ci m’interroge sur ma démarche, et découvre que je viens de France à pied. Nous échangeons sur les difficultés du pèlerinage, et surtout sur les problèmes d’hébergement que j’ai rencontré, tout au long de cette marche. A ce moment là, le prêtre demande à parler à la Mère supérieure, pour lui demander d’offrir plus de facilités d’asile, aux pèlerins venant à pied, par rapport à ceux disposant de moyens de locomotion moderne, ce qui me procure un certain plaisir, en pensant à ceux qui viendront après moi.

Après ce repas, et ayant réglé mon gîte, je reprend la route, l’esprit joyeux Rome n’est plus très loin. En traversant le village de Monterosi, je profite des magasins ouverts pour faire mes courses, car demain c’est dimanche, et l’expérience m’a appris qu’il vaut mieux ne rien avoir besoin ce jour là. Avant de reprendre la route, je m’offre un petit café (longo) afin de pouvoir une fois de plus regarder les gens vivre et s’agiter, surtout que ce samedi il y a beaucoup de monde.

En quittant Monterosi, la route se transforme en quatre voies, cela ne m’arrange pas, car la circulation est encore plus rapide, et plus dense. Je chemine pendant environ une heure sur cette route, avant de pouvoir la quitter pour une voie moins fréquentée, qui me conduit au terminus de mon étape, à savoir Compagnano di Roma.

Arriver le dimanche en début d’après midi dans une ville, n’est sans doute pas le meilleur moment. Alors que j’avance, en espérant trouver quelqu’un pour me renseigner, une voiture s’arrète à ma hauteur, et le chauffeur me demande si je suis le pèlerin de la Via Francigéna, je confirme, et il s’avère que j’ai devant moi le padre que je cherche. J’embarque dans son véhicule, et il me conduit dans une salle paroissiale, ou je dispose d’un matelas posé au sol, ce qui me convient très bien, et d’un ensemble douche toilette. Le padre m’annonce qu’il attend pour l’après midi un autre pèlerin, il s’agit d’un hollandais, et que ce soir à vingt heures, on viendra nous apporter un repas pour tous les deux. Je remercie le Padre pour son accueil, celui-ci me répond « ces vous le pèlerin, nous nous devons de faciliter votre démarche, nous ne voulons rien en remerciement, priez pour nous à Rome, et que Dieu vous garde ». Je suis obligé de dire que devant un tel comportement, je suis admiratif et très reconnaissant à cette Eglise Italienne, pour la foi qu’elle dégage, à travers les hommes qui la représente.

Après m’être douché, je décide de me promener un peu, car maintenant que l’arrivée est toute proche, j’ai peur de ne pas avoir assez profité de ces bons moments, ou la marche terminée, il n’y a rien d’autre à faire que de regarder les autres s’agiter. Mes pas me conduisent vers le centre du village, ou beaucoup de gens sont regroupés, dans un lieu qui tient du café et de l’association. Je regarde les gens âgés en général, qui discutent ou qui jouent aux cartes, je ne comprend toujours pas la langue, mais le spectacle est aussi dans les gestes, et c’est un vrai régal.

Je rentre tôt, car la température baisse rapidement, et je suis toujours sensible au froid, je regagne donc mon gîte. N’ayant rien à faire, et ayant à ma disposition dans le local ou je suis une bibliothèque, je trouve un livre qui m’intéresse. Il s’agit d’un livre relatant la vie et l’œuvre de Padre Pio Da Pietrecina, comportant beaucoup de photos, ce qui m’aide à décrypter les textes d’accompagnement. Je me laisse captiver, et je découvre que l’heure du repas est arrivée, lorsque un civil vient m’apporter le repas du soir.

Ayant pris livraison des deux repas, je me met en quête du pèlerin hollandais, qui a établi ses quartiers dans la salle à coté. Nous décidons de dîner ensemble, et celui-ci arrive avec une bouteille de vin, a laquelle nous faisons honneur. Je découvre que mon compagnon d’un soir a aussi fait le chemin de St Jacques de Compostelle, mais à bicyclette. Pour le chemin de Rome, il a commencé son pèlerinage à Parme. Nous échangeons longuement sur nos parcours respectifs, avant se nous séparer.


46ème jour

Dimanche 6 octobre 2002

Compagnano di Roma / La Storta 22 kms


Après avoir quitté mon compagnon d’un soir, je me suis mis en route pour rejoindre La storta, en utilisant cette fois ci des routes moins fréquentées que la veille. J’ai traversé le village de Formello, ou j’ai réussi à trouver du pain frais pour accompagner la boite de bœuf en gelée du déjeuner.

En arrivant à La Storta, ne trouvant pas de gîte, je me suis rabattu sur un hôtel, la fin du voyage étant proche, il est temps d’économiser un peu les forces.

En visitant la ville, qui en réalité est déjà une banlieue de Rome, mes pas m’ont naturellement conduits vers la cathédrale, celle-ci est un bâtiment moderne, j’ai put assister à la messe du soir, et j’ai aussi découvert que le cardinal Tisserand était enterré dans cette cathédrale.

Ce soir après avoir avalé quelques pizzas, je rejoins ma chambre, car le chemin se terminant, j’éprouve le besoin d’écrire, la pression du lendemain disparaissant je me retrouve disponible, et plus à l’écoute de mes émotions.

Demain normalement en fin de matinée ce sera ROME, je décide de choisir la via Triomphale, pour cette dernière journée, non pas pour son nom, mais parce que c’est la route la plus facile pour rejoindre la place St Pierre.


Ce soir je veux mettre par écrit une longue réflexion, commencée au Grand St Bernard, et qui va s’achever. Cette réflexion après trente jours de marche en Italie, porte sur la façon dont j’ai ressenti cette Eglise Italienne.

Une Eglise omniprésente, on dit même que c’est la deuxième force du pays, un état dans l’état.

C’est une Eglise qui possède beaucoup, les paroisses possèdent des biens immobiliers qui paraissent importants en général. C’est aussi une Eglise qui collecte beaucoup, vêtements, chaussures etc., et qui redistribue beaucoup.

Nombreux sont les centres d’accueil, pour les personnes en difficultés, ou les migrants. Ces centres souvent petits, sont en général l’œuvre d’une seule paroisse, comme c’est le cas à Viterbo, où la paroisse gère un centre qui accueille des filles mères, elles étaient quatre lors de mon passage, mais la capacité totale du centre ne doit pas être bien supérieure. Toutes ces activités d’aide aux plus démunis, s’appuient sur une aide physique des paroissiens, qui participent activement au fonctionnement au jour le jour de ces organisations.

La fréquentation religieuse est plus importante qu’en France, mais c’est surtout au travers des activités que j’appellerai de « patronage » que l’Eglise est présente parmi les gens, dans ces lieux de rencontre, j’ai pu constater que jeunes et anciens se retrouvent, mais aussi que les diverses communautés se mélangent. Il n’est pas rare de voir le mercredi des mamans d’origines diverses, Afrique ou Asie, et bien évidemment d’Italie, surveiller ensemble leurs enfants, tout en discutant, et cela sur le terrain de jeu de la paroisse. Il se passe là une intégration facilitée par l’Eglise, sans qu’il ne semble y avoir de pression religieuse, mais plu tôt un partage entre tous ces gens aux origines modestes.

Il y a bien évidemment quelques despotes en soutane, j’en ai rencontré, mais il ne sont pas la généralité. J’ai au contraire constaté, que ce soit chez les frères capucins, ou chez les dominicaines, et dans quelques autres ordres que j’ai pu regarder vivre, une certaine décontraction, une certaine liberté dans le comportement, qui donne l’impression de gens qui vivent leur condition religieuse avec un certain plaisir, et une joie de vivre toute naturelle. Un frère capucin avec qui j’ai échangé, me disait « en France c’est trop sérieux, nous on adapte et tout va bien ». je me dois de reconnaître que je garde un excellent souvenir du repas partagé avec les frères capucinis.

Autre aspect important l’Italie a mieux résisté que la France à l’intégrisme musulman, il y a sûrement plusieurs causes. La plus importante étant que la colonie musulmane est moins forte en Italie qu’en France, et que le rôle d’ouverture et d’accueil de l’Eglise Italienne, a sûrement compliqué la tache des intégristes.

Quelles conclusions tirer de cette réflexion ?




Que l’Eglise Italienne joue un rôle important dans la vie de ce pays.


Que l’église par son rôle moral, a contribué à conserver et à enseigner des valeurs qui indépendamment de l’aspect religieux, sont aussi les règles de toute vie en société. Il est à regretter qu’en France l’affaiblissement de l’Eglise dans les dernières décennies, ne lui ai pas permis de jouer un rôle similaire. L’enseignement de ces valeurs a chez nous été confiée à l’éducation nationale, les résultats doivent nous interroger.


Moralité : le peuple a besoin d’une nation forte, et d’un idéologie religieuse présente, dans le cas contraire, la porte est ouverte aux sectes et aux mouvements intégristes.


Il me paraît important de rappeler que depuis mille ans, dans notre monde occidental, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel se sont appuyés l’un sur l’autre, pour produire ce monde ou nous vivons. Si un autre modèle spirituel était choisi, ou imposé, cela ne serait pas sans effet sur le pouvoir temporel, et les modes d’expression de la société.


La s’arrête une réflexion toute personnelle sur l’Eglise Italienne, mais je tiens à remercier les membres de cette Eglise, pour la capacité d’accueil qu’ils ont bien voulu me témoigner, à moi le pèlerin d’un instant.


Ce soir c’est ma dernière soirée de pèlerin, car plus jamais je ne serai pèlerin au sens que je l’entend, dans cette vie.

Cela aura été une période intéressante, riche, forte, et qui m’étais indispensable, pour réfléchir, écouter, regarder, et quelques fois comprendre.

Qu’en restera t’il ?

Seul DIEU pourrai répondre.



47ème jour

Lundi 7 octobre 2002

La Storta / Rome 17 kms


Après un petit déjeuner servi à l’hôtel, ce qui est assez rare en Italie, je pars pour ma dernière étape. Le soleil est là, le temps est clair, tout est parfait pour une arrivée à Rome.


A partir de La Guistiniana, je prend comme prévu la via Triomphale, plutôt que la via Cassia sur laquelle je chemine déjà depuis plusieurs jours, j’espère ainsi avoir moins de circulation, surtout les camions, et en définitive le choix s’avère judicieux.

Dans les rues de Rome, alors que je marche sur le trottoir, je suis abordé par un clochard que je viens de saluer. Cet homme plus âgé que moi, veut absolument que je le suive dans le magasin de chaussures devant lequel nous nous trouvons. Je comprend alors que l’on vient de lui faire cadeau d’une paire de chaussure de sport neuve, et il estime sans doute que les miennes sont bonnes à changer. J’essaie de lui expliquer que je ne veux pas demander l’aumône, et surtout que je ne veux pas changer de chaussures, rien ni fait, il insiste toujours. Heureusement l’idée me vient de lui dire que je suis pèlerin, et non S.D.F. comme le laisse sans doute penser mon accoutrement, la réaction de l’homme est très spontanée, il m’embrasse et me souhaite bonne route. Je repars, et en continuant à cheminer, je me dit que j’ai sans doute atteint le dépouillement souhaité, puisque le clochard me prend pour l’un d’entre eux.

J’arrive enfin devant l’une des portes de la place St Pierre, il dix heures trente, je dois passer un barrage de police, ou je suis soumis au détecteur de métaux comme toutes les personnes qui veulent accéder à la place. La chance est avec moi, car l’appareil ne signale rien, alors que j’ai sur moi un couteau de bonne dimension, et on me laisse entrer.

La place St Pierre, j’en rêve depuis des jours, j’ai choisi d’arriver un jour en semaine, en espérant qu’il n’y aurai pas trop de monde, je suis servi la place est pleine à craquer, il y a une célébration terminant les cérémonies de la béatification du fondateur de l’Opus Dei.

Je décide de m’asseoir sur une marche, et là pendant une heure, je me borne à constater que je suis arrivé, complètement insensible à cette foule qui m’entoure, je suis dans ma bulle, seul parmi sept ou huit mille personnes, je savoure le plaisir d’avoir réussi, d’être enfin là, complètement anonyme, sur cette place St Pierre, dans ce lieu si hautement symbolique pour le baptisé que je suis.


Cette foule fini par me déranger, je suis plus habitué à la solitude, aussi je décide de quitter la place, je franchi donc la porte en sens inverse, pour m’asseoir le long d’un mur à l’extérieur. Il est maintenant midi, et c’est avec plaisir que je retrouve le morceau de pain et la boite de conserve. Certains visiteurs me regardent avec insistance, plusieurs me prennent en photo, je ne saurai jamais si c’est le pèlerin, ou le clochard, qui a retenu leur attention, mais de toutes façons cela m’est complètement égal.

A partir de treize heures, la foule commence à déserter la place, et je peu y retourner à nouveau, pour mieux apprécier cette fois la beauté, mais aussi l’immensité de ce lieu. Je profite de ce calme relatif pour demander à des touristes de bien vouloir me prendre en photo, afin d’avoir un souvenir de ce moment.

Après avoir compris que l’accès à la Basilique ne serai possible que plus tard dans l’après midi, je décide de rejoindre le lieu ou je vais pouvoir me reposer. Je trouve un accueil très chaleureux auprès des religieuses qui gèrent l’endroit, il faut préciser que ce n’est pas tous les jours que les pèlerins qu’elles accueillent, viennent à pied à Rome. Pour moi maintenant, voilà venu le temps du repos, et je m’empresse de le savourer, pas très longtemps, car après une douche et une petite sieste, je décide de retourner place St Pierre, que je trouve beaucoup plus calme, et je pénètre dans la Basilique pour terminer mon pèlerinage, en baissant le pied se St Pierre, et en assistant à une messe.

Retour a la pension non sans avoir dîner de deux pizzas avant de prendre un repos bien mérité.


48ème jour

Mardi 8 octobre 2002


Ce matin, pour la première fois depuis bien longtemps, je peux flâner, me laisser porter par mes envies, aller doucement, me laisser aller, décompresser, prendre mon temps, ne plus subir la pression du chemin à parcourir obligatoirement, en un mot : FLANER.


Mes pas me conduisent tout naturellement vers le Vatican, où je dois pouvoir obtenir dans la sacristie de la Basilique St Pierre, le document appelé « TESTIMONIUM » qui authentifie mon pèlerinage vers Rome, et qui fait de moi « un romieu » c’est à dire un pèlerin de Rome.


Cette dernière formalité accomplie, et nanti de mon précieux document, je me présente à la préfecture du Vatican pour retirer mon autorisation afin de pouvoir assister demain à l’audience publique du St Père.


L’envoi de cartes postales, plus spécialement à tous ces gens qui au long de mon chemin, m’ont accueilli et hébergé, afin de leur témoigner ma reconnaissance, occupe une partie de mon temps, puis je repart flâner dans Rome, avec ce sentiment de plénitude, comme ci tout s’arrêtait là.


49ème jour

Mercredi 9 octobre 2002


Aujourd’hui c’est le jour de l’audience, à neuf heures je suis place St Pierre, où déjà beaucoup de gens sont installés. Après la fouille habituelle des policiers, je m’avance vers les entrées réservées, chaque partie de la place, correspond à une couleur différente de carton d’invitation, ne trouvant pas ma couleur, je continue mon chemin pour me retrouver à gravir les marches qui mènent au parvis de la basilique. Lorsque enfin je trouve l’endroit où je peux entrer, je constate que je suis très près du dais, où le St Père va prendre place. Cette partie de la place, est généralement occupée par des religieux ou des religieuses, nous ne sommes que quelques civils à y avoir accès. Etant seul je déniche une place libre au troisième rang, ce qui me garanti une vue imprenable pour suivre la cérémonie qui se prépare.

Je peux photographier l’arrivée du St Père, lorsque celui-ci arrive dans sa papamobile, ainsi que le déroulement de la cérémonie. Les cardinaux présentent les groupes participants à cette cérémonie, et cela en fonction des principales langues, puis le St Père s’adresse à eux dans leur langue pour une courte allocution.


Après ce long moment, car il y a beaucoup de nationalités présentes, les cardinaux se regroupent au tour du St Père, pour prononcer avec Lui la bénédiction. Après cette bénédiction, les invités de marque, sont présentés au St Père par le cardinal de leur pays, et ainsi se termine la cérémonie.


Je dois reconnaître qu’il c’est agit pour moi d’un moment très émouvant, car à cet instant on se rend mieux compte de l’universalité de l’Eglise, à travers toutes ces délégations de pays très différents, surtout lorsque l’on sait que cette cérémonie a lieu toutes les semaines. On peut estimer qu’il y a aujourd’hui place St Pierre plus de cinq mille personnes.



11 septembre 2002


5ème jour que je suis à Rome, le pèlerinage est terminé.

Difficile de définir mes sentiments, mais j’ai cette fois-ci, en comparaison à mon arrivée à Santiago de Compostelle, une impression de plénitude, comme ci cette fin allait de soi, et qu’il n’y avait plus rien à ajouter.

J’hésite toujours à écrire que j’ai retrouvé la foi, mais je pense qu’il faudra bien l’admettre un jour, même si cette foi est plus dans le style des capucins rencontrés à Pontrémoli, que du style des clarisses de Fucécchio.

J’espère trouver dans tout cela une raison d’être, et de croire.

La simplicité en matière de foi, reste la ligne la plus sûre avec la modestie.


Vital Gallard

Le Romieu

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